lundi 24 novembre 2014

Se libérer les souvenirs...

Il y a un événement qui me tourmente parfois, entre 2h00 et 3h00 du matin, alors que je me réveille en sursaut. Et je crois qu'il sera bon de le décharger dans ce billet, n'est-il pas? Oui.


***


Fin septembre, une journée splendide, un vendredi et surtout, une pédagogique. Pas question de rester à l'intérieur avec X-Boy qui ne demande qu'à voir du pays. (Je fais de la projection, mais il ne parle pas, je peux tout lui mettre sur le dos! gnark gnark!)


Je décide donc, tout de suite après le diner (qui dure une heure car X-Boy mange à la vitesse des escargots somnolents, imaginez...) j'embarque le petit dans la camionnette et vroum, nous roulons vers Chambly, ville "fort" (ou ville-phare? je joue dans les grandes ligues, hein Mongrain?) qui possède une jolie promenade sur les bord de la rivière. Dans l'auto, Coldplay se fait aller le nouveau disque, je chante et X-Boy hurle de bonheur (ou de douleur aux oreilles?).


Je me stationne, sors le petit et son attirail et nous partons nous balader. Plusieurs petites boutiques se trouvent sur notre chemin mais voilà qu'aucune n'a de porte "adaptée" au fauteuil du petit. Tous les vieux bâtiments sont dotés d'escaliers qui me font pester, X-Boy n'est plus un poids plume, même s'il jacasse comme une pie. (rhô, je suis en forme!) Déçue de ne pouvoir faire du lèche-vitrine, je fais ma langue sale (aaaah) contre cette ville qui s'autoproclame touristique (et qui l'est) et qui n'offre aucune option pour les roulants (et les croulants, tiens!) et j'emmène le gamin regarder la rivière qui s'énerve dans les rapides.


Tout autour, les gens se reposent sur des couvertures, profitant des derniers rayons de soleil chauds avant l'automne. D'autres amoureux se bécotent sur des bancs publics (Brassens l'aurait chanté!) et quelques âmes solitaires errent ça et là. X-Boy hallucine à regarder l'eau qui fait des bouillons blancs et je regarde le ciel bleu en me disant que oui, ça se peut, des belles journées tranquilles avec mon gamin. Que oui, il fait beau, on en profite et ça fait vachement du bien de ne faire "rien" ensemble. Je pense à X-Man qui est au boulot et je m'ennuie de lui. Je m'aperçois qu'il est rare que je pense à X-Man de "cette façon". Je ne m'arrête que trop peu souvent pour penser à lui, à nous deux, à nous trois, à notre famille qui grandit et s'épanouit. Les violons commencent à me chatouiller les neurones et je décide de déplacer X-Boy, qui tente d'escalader un muret pour se jeter à l'eau, vers un banc bien installé entre des buissons et des rosiers. Avant de devenir trop fleur-bleue, tsé. X-Mom a de l'orgueil. (ah?)


Bien assise avec X-Boy, j'observe deux dames plutôt âgées qui rigolent sur le banc à quelques mètres de distance. X-Boy hurle et rigole, elles nous saluent de la main. Je serre X-Boy très fort dans mes bras et je lui dis que je me sens chanceuse de l'avoir dans ma vie. Lui et son étrangeté, sa particularité qui me donne des maux de tête, mais surtout des mots de cœur. Je lui annonce qu'il est déjà 16h00 et que c'est le temps de rentrer. Il me sourit tandis que je l'installe dans sa poussette. Zou, je l'installe dans la camionnette et c'est un départ.


Je roule deux mètres puis devant moi, j'aperçois deux cyclistes qui roulent vers l'entrée du parc. Un couple dans la cinquantaine, tout vêtus comme Lance Armstrong. J'explique à X-Boy que les vélos ont une piste cyclable qui passe au bord de la rivière quand je vois l'homme brusquement sur le sol. Sa roue avant ayant accroché d'une façon violente un tout petit rempart de béton qui délimite le chemin asphalté de la piste cyclable. Je freine brusquement. Je sors de la voiture à toute vitesse, car ce n'est pas qu'une vulgaire chute de vélo. C'est un grave accident. Sa femme lance son vélo au sol et arrive en même temps que moi devant son mari. Il est prisonnier de son vélo qui est sous lui et c'est là que je vois son casque.


Fendu au niveau du front, le casque n'a pas tenu le coup. Le crâne de cet homme s'est fendu aussi, le sang coule sous sa tête à une vitesse qu'on ne peut calculer. Sa femme est couchée sur lui et elle crie son nom.


- Ok. Madame, avez-vous un cellulaire? Il faut absolument appeler le 911!


J'ai dit ça froidement, mais dans ma tête, ça bouillonnait autant que le sang sur le sol...


- Hein, ah oui!!!


Elle me tend son I-Phone et comme je n'ai aucun talent avec les bidules électroniques, je ne suis pas capable de le mettre en marche. À cet instant, un passant arrive en courant et voit mon désarroi. Il m'enlève le téléphone des mains et compose le 911.


J'interroge la femme:


- Ok. Madame? Est-ce que votre mari est diabétique? Cardiaque? Épileptique? A-t-il un problème de coagulation sanguine?


Elle répond à la négative à toutes mes questions et le passant me demande si je suis médecin.


- Hein?? Non.. tellement pas...


- Vous vous y connaissez?


- Hein? Non... dites au 911 que ça presse. Vraiment.


(Je ne sais pas d'où me venaient ces questions médicales, je ne regarde pas Dr House ni rien.. Peut-être le fait que je passe trop de temps dans les hôpitaux?)


La femme pleure et panique. Le sang commence à sortir par bouillons du nez de son mari. Ça ne va pas. Mais pas du tout. Je répète au passant de dire que c'est urgent.


L'homme est complètement inconscient. Il respire très difficilement et ce qui m'a marqué (et qui me hante encore), c'est le son de sa respiration ou de sa tentative de respirer. Comme un souffle, un grognement, un son animal.


Une foule de personnes s'amasse tout autour. Je remarque que la tête de cet homme est inclinée vers l'avant dans une petite pente... Je cours à la voiture et revient avec une grosse couverture imperméable que nous utilisons pour X-Boy. Je la tends à la femme et lui suggère de la mettre sous la tête de son mari.


- Il faut lui relever la tête... il y a du sang qui lui sort par le nez...


Elle n'avait pas remarqué et elle se met à crier son nom. Elle l'implore de "rester avec elle". De ne pas partir.


J'ai le cœur en mille miettes. Toujours pas d'ambulance ni de policier.


Puis, un son sourd provient de cet homme. Un gros gaz. Sa femme le rassure:


- Ce n'est rien, chéri. Vas-y, tu peux péter, c'est normal.


Elle lui caresse la hanche en lui disant de laisser aller ses gaz, s'il en a encore.


C'est là que je suis devenue très nerveuse. Car il était en train de se vider, littéralement. Ce n'étaient pas que des gaz. Et dans mes connaissances de trauma (de mémoire), quand les sphincters lâchent, ce n'est vraiment plus le temps de rigoler.


J'ai hurlé au passant de répéter au téléphone que c'était VRAIMENT URGENT.


Il m'a alors demandé d'aller au coin de la rue et d'attendre les secours.


- Mais je ne peux pas. J'ai un enfant handicapé dans mon auto. Je ne peux pas rester... Je dois y aller.


La foule s'est resserrée et je me suis sentie très mal. Une passante s'est mise à s'énerver et à "décrire" la scène. Je lui ai dit de se taire et de continuer son chemin. Et je me suis dirigée, impuissante, vers la camionnette où m'attendait patiemment X-Boy, inconscient du drame qui se jouait depuis une dizaine de minutes tout près de lui.


Le passant m'a demandé si je voulais récupérer ma couverture. Je lui ai fait signe que non et j'ai mis la clé dans le démarreur.


Je me suis retournée vers X-Boy qui me souriait, tranquille.


- Mon bonhomme, merci d'avoir été aussi patient. Je ne t'avais pas oublié. Mais il y avait une urgence. Comme je ne peux rien faire de plus, on va rentrer, d'accord? Et j'ai donné ta couverture au monsieur, d'accord? Tu ne m'en veux pas? Elle a peut-être sauvé une vie, tu sais...




Quand j'ai tourné le coin, j'ai vu au loin des gyrophares.


***


J'ai roulé jusqu'à la maison sans me rendre compte que j'étais au volant. J'avais même oublié de mettre ma ceinture de sécurité. La tête dans un étau, le moral incertain. J'ai installé X-Boy par terre parmi ses jouets et j'ai commencé à trembler. De tout mon corps. L'adrénaline qui tombe.


J'ai téléphoné à mes parents et j'ai commencé à pleurer. À me questionner. À être indignée, en colère, fâchée et découragée.


Pourquoi étais-je allée là cet après-midi, hein? Je n'aurais pas pu aller au parc à côté? Pourquoi fallait-il que X-Boy soit avec moi? À quoi j'ai pensé de le laisser seul dans la voiture? Il aurait pu faire une crise d'épilepsie et je n'aurais pas été à ses côtés? Pourquoi "moi", je n'ai pas le droit à une journée belle du début jusqu'à la fin, hein? Il faisait tellement beau, on avait eu tellement de plaisir? C'est quoi le message? La claque dans le visage? La réalité cruelle? Je dois comprendre quelque chose? Je ne suis pas assez consciente de la réalité, peut-être?


À quoi ça sert un casque de vélo si ça brise? (à ça, justement...) Pourquoi il n'a pas freiné devant le petit bord de béton? Est-ce que j'aurais dû prendre le numéro de téléphone de la dame et embarquer son vélo pour aller lui mener chez elle? Est-ce qu'ils vivent près d'ici ou ils étaient en vacances? Est-ce qu'ils ont quelqu'un pour les héberger? Est-ce que c'est la vue de ma camionnette qui les a distrait? Est-ce qu'il va survivre? Est-ce qu'il va être paralysé? Est-ce que sa femme sait à quel point c'est grave, un traumatisme crânien? Est-ce qu'elle sait à quel point c'est complexe, une personne handicapée?


Mes parents m'ont écouté avec beaucoup d'empathie. Et ils ont joué leur rôle de parents lorsque j'ai commencé à déraper.


- C'est ça, hein! C'est un signe? X-Man va avoir un gros accident? X-Boy va avoir un cancer et il va mourir? VOUS allez avoir un accident de voiture? Je ne dois plus faire de vélo??? Je n'ai pas le droit d'être heureuse trop longtemps, faut absolument que je vive des traumatismes à chaque semaine???


À toutes ces phrases, j'ai eu droit à des réponses négatives. Et à des "tu te calmes, tu respires et tu as le droit d'être en état de choc. Ça va passer avec les heures. Donne-toi le temps". J'ai raccroché et j'ai préparé le souper de X-Boy. Puis le bain, puis le dodo.


Puis X-Man est rentré du boulot.





- X-Mom... j'ai eu un accident avec ma voiture...


- ??? TU ME NIAISES??? Mes parents t'ont appelé pour te dire de me faire une mauvaise blague?


- ??? De quoi tu parles... Ben voyons... ne pleure pas comme ça... Ce n'est qu'un petit accident... Je n'ai rien, l'auto non plus... juste un accrochage dans un bouchon avant le pont...


- JE LE SAVAIS QUE TU AURAIS UN ACCIDENT!!! C'était écrit dans le ciel... je n'ai pas vécu tout ça pour rien...


- "Tout ça"? De quoi tu parles, X-Mom?


- Prends-moi dans tes bras et dis-moi que tu ne mourras pas...


- Ben voyons... je ne mourrai pas... enfin un jour, mais pas tout de suite...


***


Ce soir-là, nous avons regardé la télévision ultra-collés l'un contre l'autre. Juste à ma respiration, X-Man savait quand je revoyais les images de l'accident.


Il me serrait alors plus fort et me murmurait que tout allait bien.


- Mais X-Man, c'était un couple.. Ils allaient peut-être juste pique-niquer sur le bord de l'eau, tu sais? C'est trop horrible... Ils venaient peut-être juste de se rencontrer, ils étaient amoureux fous et il allait peut-être la demander en mariage ce soir, après leur promenade en vélo?


- Tu as beaucoup d'imagination... Mais la réalité, c'est qu'il est tard et que l'on va aller au lit... d'accord?


- Mmm.


- Et non, X-Boy ne va pas mourir dans son sommeil. D'accord?


- Mmm.


***

jeudi 30 octobre 2014

Guêpes, frites et musique classique...

Puisque je semble avoir un don pour croiser de sages personnes qui guident mes pas dans cet univers particulier qu'est celui de X-Boy, voici en primeur (comment pourrait-il en être autrement? Hahaha), l'histoire de Pierre, la proprio de la cantine.


***


Il y a de cela un mois, c'était la fête de ma plus-plus-meilleure-amie K qui, malgré tous ses efforts, n'avait réussi à s'organiser un party digne de sa folle personne... La vie étant ce qu'elle est, à la dernière minute, ses "autres" amies avaient décliné l'invitation de festoyer son anniversaire dans la si charmante maison de ses parents. Loin, là-bas, dans une campagne qui me fait rêver. (Et sacrer, car je m'y perds chaque fois, tsé).


J'avais moi-même décliné l'invitation, X-Boy étant ce qu'il est; une boîte à surprises et de lourdeur-à-traîner, poids corporel parlant. X-Man avait, ce week-end-là, un lancement dans une librairie et comme je faisais cavalière seule pour traîner le bambin, mon dos m'avait sommé de me reposer à la maison.


Que nenni! Mes neurones, elles, ce samedi matin-là, étaient en mode "high" et c'est en moins de deux heures que zou, je me suis retrouvée au volant de la X-Boy-Mobile avec le petit bien attaché et surtout, bien excité de quitter la chaumière de façon aussi subite! (Deux heures, ce n'est pas subit, vous pensez... mais oh oui, ce l'est ici!!!)


Qui plus est, l'automne avait décidé d'être tout en splendeur ce week-end-là, et puisque cela faisait des années que je manquais la si populaire "flambée des couleurs" à cause d'une flambée automnale de virus chez le gamin, l'occasion était trop belle de faire découvrir à ce gamin "en santé pour une fois" la beauté des feuilles jaunes, rouges et oranges et vertes, parce qu'il y a toujours un équilibre dans les arts naturels.


Je rêvais d'emmener X-Boy se promener dans les sentiers du Marais aux Cerises à Magog et de pique-niquer avec lui, en "namoureux mère-fils". Soit, c'est ce que nous ferions.


Le hic, j'avais oublié que "La Flambée des Couleurs" étant annoncée dans tous les médias de la planète attirait une FOULE de touristes, ce qui résultat en une FOULE de voitures pare-choc à pare-choc. Résultat: après avoir attendu presque une heure sur une route secondaire, l'heure avançait et le Marais aux Cerises resterait dans les projets futurs. Néanmoins, je TENAIS à pique-niquer avec X-Boy dans la nature. Je me suis donc dirigée dans le stationnement tout près du lac Memphrémagog. Aucune place de libre. Et surtout, aucune place pour "handicapé". J'ai compris rapidement que la tricherie serait de mise et c'est au McDonalds avoisinant que j'ai déniché un stationnement "réservé". X-Boy ayant la couche pleine, je me suis dit que les toilettes du resto seraient accueillantes, puisque ledit resto a la réputation mondiale de "conç pour les familles".


Que nenni. Fallait voir la salle de bain-cubicule. Presque AUCUN moyen de rentrer avec le fauteuil de X-Boy, complètement hystérique-rigoleur de voir sa mère se cogner dans les cadres de porte pour se frayer un chemin. Une fois "entrés" à l'intérieur du donjon: une seule toilette pour handicapé est disponible. À l'intérieur, se cache une dame âgée, qui, en sortant, m'a soupiré sa vie tellement elle se retrouvait coincée entre le fauteuil, X-Boy-l'humoriste et X-Mom-médusée d'avoir autant de plaisir... Alors que je me "dirigeais" (lire "roulais" le fauteuil d'un cm à la fois!), une vieille dame s'est faufilée DANS la toilette pour handicapé, en courant presque.


- Hem hem... Madame... j'allais dans cette toilette avec mon fils h-a-n-d-i-c-a-p-é...


- J'étais avant vous.


- Non, Madame. Vous avez presque "couru" pour y entrer.


- ...


- Bon, puisque vous ne semblez pas comprendre que "VOUS" pouvez utiliser une toilette "normale", nous allons attendre.


Le GROS hic, c'est qu'à cause du surplus d'espace dans cette salle de bain, je me retrouvais à bloquer la porte désormais ouverte de cette toilette à cause du fauteuil. Et comme à cet instant, deux femmes entraient pour visiter le musée du pipi, c'était le bal des portes qui ne fermaient plus et du casse-tête de "comment va-t-on faire pour bouger". Tout ça en même temps. (N'oubliez pas les cris heureux du gamin pour ajouter à l'ambiance.) La vieille coureuse s'est fâchée:


- BEN LÀ!!! JE NE PEUX MÊME PAS FERMER LA PORTE!!!


- BEN LÀ!!! Vous êtes VRAIMENT désagréable, vous, hein? Vous ne voyez PAS que je suis coincée avec mon fils qui ne MARCHE PAS et que ce n'est pas de MA faute et encore moins de la SIENNE SI on se retrouve coincés comme des sardines dans une salle de bain d'un resto supposément familial!!! Là, là, je suis découragée de la société, ma petite dame... vous n'avez pas idée!


- MAIS JE VEUX FERMER LA PORTE!!!


- JE VAIS ME TASSER ET TASSER MON FILS, MAIS DONNEZ-NOUS CINQ SECONDES POUR FAIRE LA CIRCULATION!!!


Les deux femmes qui tentaient d'entrer dans la salle de bain se sont mises à nous aider en reculant HORS de la pièce pour que La-Sprinteuse-Urinette puisse s'exécuter ensuite SORTIR du lieu sans devoir faire de la contorsion.


La Vieille-Urinite a fait son tit-pipi et les deux femmes se sont mises à remettre en question la grandeur de la salle de bain. Qui est donc l'imbécile d'architecte qui a conçu cet aménagement? Que font les mères avec deux enfants et une poussette? Que font les handicapés qui se déplacent "seuls" en fauteuil? Qui a voté pour Harper aussi, hein? Et qui sait comment ça s'ouvre, un sac de pommes de terre avec le tit-fil qui ne se défait jamais???


Bref, quelques siècles plus tard, Madame-Vieux-Pipi est sortie de l'antre (ou de l'entrejambe, hahah) du fourneau sanitaire et j'ai pu vider ma vessie colérique et changer la couche du petit-grand qui s'en battait les couilles de toutes nos histoires, depuis le début, en fait. Fallait le voir se marrer.


Tout le monde étant bien propre, j'ai décidé d'aller au parc avoisinant. Sauf que tout près de la plage se trouvait une cantine et qui dit fille-frustrée-de-l'injustice-architecturale-et-en-post-découragement-de-trafic-intempestif dit fille-qui-a-besoin-de-manger-des frites (et qui va jeter son lunch comme une vilaine ado!!). Oh que les frites seraient bonnes, croyez-moi!


Je me suis donc dirigée au comptoir où m'attendait une fort sympathique commis qui s'est tout de suite intéressée au petit soprano qui nous faisait des vocalises on ne peut plus discrètes!


- Qu'il en a des choses à dire, votre fils!!!


- Mmm. En effet... Je suis désolée.. il "parle" vraiment trop fort... Je ne peux pas le contrôler...


- Mais voyons. Ça ne dérange personne...


- C'est ce que vous croyez... Si vous voyiez les regards des gens quand mon fils se réchauffe la voix ainsi...


- Mais voyons... il s'exprime. Moi j'ai travaillé avec des enfants handicapés pendant de nombreuses années et je pourrais l'écouter des heures durant tellement c'est de la musique à mes oreilles...


- Aaaah... je comprends pourquoi vous êtes sympathique à "sa" cause... Vous en avez vu d'autres...


- En effet... Et ce sont des enfants merveilleux. Je crois que votre fils vous parle...


- Si seulement je pouvais comprendre ce qu'il dit...


- Héhé... Vous allez prendre quoi?


- Hein, ah oui! Des frites!!! Avec du ketchup... et un hot-dog, tiens. Ça fait un bail que je n'ai pas mangé ç.


En moins de cinq minutes, je m'installais tout près du kiosque avec X-Boy. Pour l'occasion, je l'ai sorti de son fauteuil et l'ai assis à mes côtés sur le banc de la table à pique-nique.


- Tiens, tu es assis "comme un grand".


X-Boy ne se pouvait plus d'autant de liberté. Il hurlait toutes sortes de sons. Je riais un peu jaune... comme les feuilles partout dans les érables... Parce que bon, j'ai beau adorer le bambin, je souffre de la maladie du "qu'est-ce que les autres vont dire"...


C'est à ce moment que le cuisinier s'est approché. Cigarette au bec, chapeau de papier sur le crâne et une poutine dans la main.


- Je peux m'asseoir avec vous?


- Hein? Oui... pourquoi pas?


Il avait un sourire "à la Raymond", alors je ne me sentais aucunement menacée. Intriguée par contre? Totalement.


- Je vous regardais avec votre fils et j'ai eu envie de venir vous parler.


- Ok... Qu'est-ce que j'ai fait de mal, ai-je blagué.


Il m'a souri et a pris la main du petit entre la sienne.


- Votre nom, c'est?


- X-Mom. Et vous?


- Pierre. Et votre fils?


- X-Boy.


- X-Boy, quel beau nom. (J'avoue... haha!) En fait, je vous ai observée et j'ai eu envie de vous dire de ne pas avoir honte de votre fils lorsque vous sortez en public. Vous êtes trop protectrice et vous ne le laissez pas s'exprimer.


J'étais subjuguée. Direct de même, le bonhomme. Il misait juste.


- Bon là, j'ai l'air du vieux mononcle qui donne des leçons... je ne veux pas vous faire la morale... juste vous donner un coup de main.


- Héhé, j'avoue que je suis un peu surprise. Car je ne crois pas avoir honte de mon fils... je l'aime de tout mon cœur et je l'accepte comme il est...


- Vous l'aimez, ça c'est clair. Mais vous ne voulez pas qu'il dérange. Je vous ai vue: dès qu'il fait des sons, vous vous penchez sur lui, essayez de le distraire, vous lui dites de parler moins fort et vous regardez tout autour pour voir s'il dérange les autres...


- Mais "il dérange" les autres... Il crie beaucoup trop fort... c'est gênant.


- Gênant pour qui? Pour lui? Je ne crois pas... Pour vous, ça c'est clair...


- Mais c'est tellement déplaisant de voir les gens se retourner, d'entendre leurs commentaires, de les voir soupirer...


- Et vous croyez que ça va aider votre fils de tenter de le cacher?


- Mais je ne le cache PAS. Si je suis ici, c'est que je VEUX sortir avec lui en public.


- Mais vous souhaiteriez qu'il soit "normal".


- Euh... j'avoue que je suis un peu bouchée là...


- Héhéhé, je vous taquine un peu... X-Mom, j'ai moi-même un fils paralysé cérébral qui a aujourd'hui 32 ans et qui parle, marche et donne des cours de musique... Mais jusqu'à l'âge de 8 ans, son avenir était très noir...


- Oh, je me disais aussi que vous étiez "en terrain connu"...


- Et j'ai longtemps été prof de musique pour les enfants handicapés...


- Wow... vous faisiez de la musicothérapie?


- Dans le temps, on n'appelait pas ça comme ça, mais oui... Et si vous saviez combien d'enfants j'ai vu "débloquer" grâce à la musique... X-Boy aime beaucoup la musique, n'est-ce pas?


- En effet. Tout ce qui fait du bruit l'intéresse. Les tambourines, les grelots, la radio, les annonces à la télé... les velcros et les sacs de papier...


- Mmm. Il est très sensible lorsque vous parlez de lui. Plus vous parlez, plus il lève la voix. Et plus il lève la voix, plus il essaie de vous parler et moins vous l'écoutez.


- ...


- Vous ne comprenez pas ce que dit X-Boy?


- Ben non... Vous comprenez, vous?


- Ben non. Et qu'est-ce que vous allez faire pour le comprendre mieux?


- Ah ben là.. je ne sais pas... les orthophonistes ne trouvent pas de système de communication... Et on ne sait pas s'il comprend exactement ce que l'on dit.


Sérieusement, à ce moment, X-Boy s'est mis à rire.


Pierre l'a pointé du doigt et X-Boy a mis sa main sur la table. Pierre a déposé sa main sur la sienne. Je suis devenue très émue.


- X-Mom... il va falloir que vous voyiez votre fils comme un garçon "normal". Que vous arrêtiez de le traiter différemment, de le considérer comme un bébé. Si vous voulez le comprendre, il faut le lui dire. Il faut lui dire que "ses sons" ne vous permettent PAS de savoir ce qu'il veut et que c'est à lui de faire des efforts pour parler comme "vous" ou d'apprendre à faire des signes avec ses mains. Il doit communiquer comme VOUS le voulez et pour ça, VOUS devez le lui montrer. En ce moment, vous lui dites seulement de parler moins fort et vous le laissez faire n'importe quel son...


- Oui mais... il ne pourra peut-être jamais nous imiter? Physiquement, il est limité... sa bouche n'est pas musclée comme la nôtre et il n'a pas de coordination avec ses mains...


- C'est ce qu'on vous a dit?


- Oui... et c'est ce que je remarque aussi... je ne suis pas dans le rêve...


- Je ne vous parle pas de rêve, X-Mom. Mon fils était "condamné à la naissance". Pourtant, je n'ai jamais arrêté pendant 8 ans de lui montrer à marcher et à parler. J'ai frôlé la dépression à plusieurs reprises, mes amis me suppliaient de lâcher prise et ma femme est partie... Mais j'ai toujours cru en lui et un jour, il a réussi à marcher et à parler. Et j'ai continué à enseigner la musique et il a "attrapé" ma passion...


- Wow... si seulement ça pouvait arriver à X-Boy...


- Pourquoi ça ne lui arriverait pas? Je vous le répète. Le jour où vous allez le traiter normalement, il va s'épanouir et vous allez le comprendre. Le jour où vous allez sortir sans vous soucier du regard des autres, il vous remerciera. Vous l'aimez, c'est déjà énorme comme cadeau qu'il reçoit chaque jour...


- Mmm. (Je n'ai pas pleuré... je voulais bien savourer l'instant...) Mais Pierre, qu'est-ce que je fais quand les autres le dévisagent et me regardent avec un air bête?


- Vous les dévisagez et les regardez bêtement.


- Ben voyons!!! Ça ne se fait pas!!! Vous faites ça, vous?


- Oh que oui!!! Et ça clôt la discussion. En fait, les gens ont deux choix: ou ils vous posent des questions pour s'informer, car ils ont "peur de la différence" ou ils continuent leur chemin en silence. Ce qu'il faut retenir, c'est que X-Boy perçoit le regard des autres et surtout, votre réaction. Si vous vous foutez des réactions négatives, il apprendra que ceux qui sont négatifs ou peureux ne méritent pas votre attention. Que les gens ouverts sont importants et que c'est vers eux qu'il doit se tourner. Tout comme vous. X-Boy a le DROIT et le DEVOIR de vivre NORMALEMENT, de sortir partout où les familles "normales" vont, de s'exprimer librement et d'être respecté au même titre que tous les humains de la terre. Ça fait moralisateur, hein?


- ... En fait, ça me fait un bien immense. Parce que je crois que j'ai besoin de savoir comment les autres parents ont affronté "l'extérieur" et je n'ai dans mon entourage, que des amis qui ont des enfants du même âge que X-Boy... J'ai besoin d'apprendre des "plus vieux", comme on dit...


- Vous me traitez de "vieux"? Hahahah.


On a beaucoup ri.


- Mais Pierre... vous avez des trucs pour faire "parler" X-Boy?


- Bien sûr. Quel est son instrument préféré?


- Euh... je ne sais pas...


- C'est ce qu'il faut trouver. Chaque enfant a un son qui le "réveille" et qui le fait réagir. Et c'est grâce à ce son que vous pourrez avoir son attention et lui montrer des sons "réels". Il faut lui prendre les lèvres, les faire bouger comme les vôtres lorsque vous prononcez. Quand vous parlez, prenez sa main et mettez la sur vos lèvres. Faites-lui sentir l'air qui sort. Collez votre bouche contre la sienne... Il faut lui "montrer" les mécanismes... Et répétez "ses sons" en lui disant que oui, ce sont des "sons", mais que vous voulez le comprendre et qu'il doit en faire "d'autres" comme les vôtres... Je ne vous dis pas que ça fonctionnera en quelques mois... Ça peut prendre des années... Mais il y arrivera.


Pendant que je l'écoutais, je faisais de la lambada sur le banc à tenter de chasser les milliers de guêpes qui m'attaquaient inlassablement...


- X-Mom... les guêpes... elles aussi elles vous dérangent...


- MAIS LÀ!!! Elles m'attaquent et elles ne vous attaquent pas!!!!!!!!!!! Je vais virer folle!!!!!!


- Elles ne vous attaquent PAS. Elles veulent votre nourriture.


- Mais je ne veux PAS leur en donner!!!


- Alors laissez-les passer. Laissez-les tournoyer, elles s'en iront d'elles-mêmes. Et elles ne vous piqueront pas.


- Vous voyez, c'est cette nonchalance que je ne réussirai jamais à atteindre. Vous n'avez même pas l'air de vous rendre compte qu'il y a des guêpes PARTOUT!!!


- Je ne leur accorde pas d'attention. C'est tout. Hahahah, vous êtes adorable, X-Mom.


Je voudrais bien savoir pourquoi il a éclaté de rire à ce moment-là.


- Si vous voulez, je voudrais bien donner un ou deux cours de musique à X-Boy. Voici mon numéro et je trouverai "son" instrument. Là, je dois retourner à mes frites. X-Boy est un garçon merveilleux et magnifique. Et vous, vous êtes à un doigt d'être en paix avec votre fils...


Il est retourné derrière ses fourneaux aussi rapidement qu'il est apparu à mes côtés.


Les guêpes ont quitté mes frites, j'avais fini mon repas, il faut dire. X-Boy continuait à jaser et alors qu'on se dirigeait vers le stationnement, Pierre est arrivé en courant avec un cornet de crème glacée pour X-Boy.


- Mais il est intolérant au lactose. Et moi aussi!!!


- Oh... vous voyez, vous êtes à un doigt de la perfection, X-Mom et X-Boy! À bientôt!


***


Avant de reprendre la route (et le trafic), j'ai pris un long moment pour m'asseoir sous un arbre avec X-Boy et lui dire à quel point je l'aime. Pour lui montrer les couleurs des feuilles et lui expliquer que parfois, dans la vie, on croise des gens qui portent des ailes invisibles...


Et que ce Pierre, on allait le revoir...


Très bientôt...

mardi 30 septembre 2014

Parce que oui, vous êtes encore là... et moi aussi, tiens!

Les trois commentaires laissés la semaine dernière concernant mon "dernier-nouveau" billet m'ont réchauffé le cœur et la claviérite. Parfois, même une X-Mom, ça se remet en question (je dis "parfois? quelle menteuse je suis!) et ça se demande si ça a un talent quelconque "ailleurs que pour s'occuper de son X-Boy"... Eh bien soit, paraît que MAUDIT qu'on aime ma façon d'écrire et ça, ben c'est un mot qui m'a fait rire et qui m'a donné envie de réapparaître dans mon univers virtuel! Jusqu'à quand? Eh bien, vous savez quoi faire pour ravoir des pages à lire! Mouhahahaha!


***


Alors je vous raconte mon après-midi chez Raymond. (J'ai quelque chose avec les hommes plus âgés qui ont un nom qui finit en "on", non? Yvon, Raymond... me manque juste John Lennon! hiiiiiiii)




Raymond est un de mes voisins de l'autre rue. Un voisin, que dis-je, un très très bel homme de 72 ans bientôt qui, en plus de porter des chandails des Rolling Stone, des jeans, d'avoir été un "vrai" musicien de bars et de clubs pendant plus de 45 ans, est également un papa extraordinaire; le papa de Thalie (pseudonyme de sa fille Nathalie), le papa de "la p'tite" qui, en plus d'avoir bientôt 50 ans, est handicapée intellectuellement de façon sévère.


J'avais croisé Raymond il y a déjà deux ans, alors que je tournoyais dans le parc avec X-Boy et sa poussette. (L'un ne va pas sans l'autre). Il s'était approché de moi avec un sourire large comme un arc-en-ciel inversé et il était venu me demander s'il pouvait guili-guiliter (voire donner un million de bisous) à mon chérubin. J'avais tout de suite été charmée (non mais, un si bel homme qui s'intéresse à MON fils MALGRÉ son handicap, sa bave et ses cris étranges?) et nous avions discuté pendant au moins deux heures de nos vies respectives et surtout, nous avions ri aux éclats car je crois que si dans une autre vie j'avais un père différent, c'était lui.


Depuis cette première rencontre, je croise Raymond de temps à autre et nos discussions sont plus ou moins longues, tout dépendamment de la météo du ciel et de celle du petit, qui entre nous, fait encore plus la pluie et le beau temps que Dame Nature (elle crève de jalousie, la vieille, je sais bien). Je suis toujours charmée par ses histoires et sa façon de prendre X-Boy sur lui, de lui dire plein de belles choses à l'oreille et aussi par sa voix, car en plus d'être musicien (multi-instrumentiste), il a une voix douce qui chantonne lorsque X-Boy semble vouloir se reposer contre lui quelques minutes.


À la fête de X-Boy en mai dernier, avec toute la famille (mon frère, sa tribu et mes parents), nous étions allés au parc pour amuser la marmaille et je m'étais précipitée dans la cour de Raymond alors que celui-ci débarquait de sa voiture afin de lui annoncer la bonne nouvelle que X-Boy ne faisait plus de crises d'épilepsie grâce à son nouveau régime. Il avait failli faire une crise cardiaque et quand il avait "vu" X-Boy se balancer en riant et criant de joie, il avait été si ému que pour une fois, même en chanson, il ne trouvait pas les mots. Ma famille était repartie à la maison (des enfants normaux, ça se tanne plus vite! haha!) et j'étais restée quelques instants avec Raymond qui tenait X-Boy bien assis contre lui. À ses côtés, le monde tourne plus lentement et il fait plus soleil. Et ça ne brûle jamais.


***


Ce matin, je suis allée chercher le courrier et Raymond est sorti sur son balcon. Je suis allée le voir et pour la première fois, il m'a fait entrer chez lui pour me présenter "sa" Thalie. L'occasion de la rencontrer ne s'était jamais présentée: elle était soit en centre de jour ou elle faisait une sieste. Et en plus, je n'avais pas X-Boy avec moi et c'était vachement plus facile de visiter la maison sans devoir transporter 17 kilos de pure énergie-chenille!


Thalie était assise à la table et mangeait (toute seule!!! Je suis jalouse!!!!) du yogourt aux cerises noires. Elle portait une grande bavette blanche et bleue assortie avec son petit bol de plastique. Et elle mangeait son yogourt avec toute l'attention nécessaire. J'ai tout de suite été très émue. Je n'avais jamais vu une personne (une enfant!) handicapée de 49 ans. Je m'étais souvent interrogée à savoir de "qui" et de "quoi" ça avait l'air, une personne "style X-Boy" de cet âge. Quand Raymond est arrivé à sa hauteur, il m'a présentée à Thalie qui m'a regardé du coin de l'œil sans trop réagir. D'instinct, j'ai rigolé et je l'ai appelé "Cocotte", comme si elle avait 6 ans comme X-Boy. D'instinct, elle m'a souri en coin. On venait de se comprendre. Y'a pas grand chose d'autre à dire devant une adulte avec un "vrai" cœur d'enfant.


Raymond lui caressait le haut du dos sans arrêt tout en me parlant du "régime" imposé pour "sa" Thalie. Comme elle était rendue à 315 livres l'an dernier, il fallait qu'elle fasse attention. Maintenant, elle en pèse 268. Raymond était très fier et en même temps, il me faisait comprendre que le seul plaisir de sa fille était de manger... alors hein, qu'est-ce que vous voulez, il l'a gâtée-pourrie! Je n'ai pu qu'éclater de rire, car je comprends exactement ce qu'il veut dire. X-Boy aime les plats de plastique? Je prendrais des actions chez Tupperware si j'en avais les moyens et je remplirais la piscine de plats de toutes les couleurs et de toutes les grosseurs. (Et au final, il n'en aimerait que un, celui que je trouverais le plus banal et le plus laid...)
Une fois le yogourt terminé, Thalie attendait tout en flattant son napperon.
- Tu vois, X-Mom... elle "attend" ses p'tits biscuits... elle sait que je vais lui en donner, même si on ne devrait pas...
À ce moment, il a ouvert le garde-manger et a sorti une boîte de "craquelins minceur" au chocolat. Il en a sorti trois d'un petit sac et les a déposés sur le napperon. Tranquillement, Thalie a saisi un premier biscuit et en a mangé la moitié.
- Tu vois, X-Mom, elle les savoure, maintenant. Avant, elle gobait tout. Maintenant, elle prend son temps. Elle vieillit...
Je souriais, sans mot dire. La tendresse dans le regard de Raymond valait tous les biscuits sucrés du monde.
- Tu veux voir sa chambre?
Nous nous sommes dirigés vers la chambre de Thalie.
- Mais Raymond? Tu la laisses seule dans la cuisine?
- Parce que tu crois qu'elle va se sauver, peut-être? Hahaha.
Je suis restée sans mots. Il "blaguait" comme moi avec X-Boy?
- Voici la chambre de Thalie. Elle a son bain et sa toilette directement dans sa chambre, c'est beaucoup plus facile pour nous. Et son lit est électrique, alors pour l'habiller, on ne se casse pas le dos. Et elle a sa petite télé, sur la table de chevet. Chaque soir, pour s'endormir, on lui met "Galaxy" avec de la musique douce et elle s'endort tranquillement. On a aussi le lève-personne pour la mettre dans son bain. Depuis trois ans, une préposée du CLSC vient lui donner son bain trois soirs par semaine.
- Pardon? Depuis trois ans seulement??? Comment ça? Vous n'avez jamais eu droit à de l'aide avant???
- Peut-être, X-Mom. Mais on n'en avait pas besoin... C'est juste que là, on est rendu trop vieux et elle commence elle aussi à avoir de la difficulté à lever ses jambes pour se mettre debout... Elle marche très lentement, mais si elle tombe au sol, nous avons besoin du lève-personne pour la relever... Et l'infirmière, eh bien, je l'aide à tout faire. Je prépare tout d'avance et je reste à ses côtés pour l'aider. D'ailleurs, ils envoient souvent des nouvelles ici pour les "pratiquer", vu que je suis un bon prof!
- Ça c'est clair Raymond, que vous êtes un bon prof... Et un bon père.
- Je crois que oui, je suis un bon père. Ma fille, c'est toute ma vie et je veux la garder auprès de moi jusqu'à la fin. Tu veux voir où je fais ma musique? Viens, suis-moi, c'est au sous-sol.
Nous sommes repassés devant Thalie qui savourait maintenant le deuxième biscuit. Raymond lui a donné un gros bisou dans les cheveux et nous sommes allés voir son "studio". C'est avec une grande fierté que Raymond m'a montré son synthétiseur, sa guitare, son système audio, son mixeur, ses amplis, ses micros et ses deux ordis. Et sa télé "pour les soirs de hockey parce que ma femme et Thalie n'aiment pas ça" et sa chaise berçante en cuir. Il était comme un enfant qui nous montre ses jouets dans sa chambre. Je souriais jusqu'au fond de mon cœur. La légèreté dans la vie de cet homme, malgré toute la lourdeur de sa fille avec et sans jeu de mots. (Ben oui, je vous la fais, la joke plate, mais vous connaissez mon humour!)
Je suis partie quelques minutes après, prenant bien soin de saluer Thalie qui avait terminé son troisième biscuit et qui regardait l'air ambiant. Car elle ne regardait "rien" de concret, parce qu'il n'y avait "rien à voir" devant elle. Elle regardait comme X-Boy regarde souvent. On ne sait trop quoi, mais ça doit être fascinant. Sans blague. J'aimerais avoir "leurs yeux" pour voir ce qui les anime. Ou les éteint. On ne sait trop.


***


Quand X-Boy est rentré de l'école, je lui ai annoncé que nous irions faire un coucou à Raymond. J'avais pris cette décision subitement et en me disant que si nous n'y allions pas "là", nous n'irions pas. Cela faisait plusieurs fois que Raymond me disait d'aller leur rendre visite, que ça lui ferait donc plaisir et tout le toutim. Alors j'ai serré ma gêne, mon orgueil pis ma manie de tout remettre à demain dans mes poches et j'ai emmené le petit chez le vieux. Affectueusement parlant. Please.


J'ai cogné et à la porte, c'était la femme de Raymond. Je ne l'avais jamais rencontrée. Elle semblait médusée. Après les présentations, Micheline est allée quérir Raymond qui était en pleine composition dans son "studio" et ce dernier est sorti à toute vitesse pour voir X-Boy.
- Micheline! C'est lui X-Boy!!! Tu vois comme il est beau?!? Et comme il a grossi, X-Mom!!! C'est fou!!!
Micheline est allée voir X-Boy de plus près.
- On peut le prendre, se sont-ils exclamés en même temps?
Je n'avais même pas répondu que X-Boy était dans les bras des deux amoureux de la différence. X-Boy souriait, glorieux et fier d'être ainsi adulé.
- Je peux le rentrer dans la maison, X-Mom? Tu veux venir passer quelques minutes avec nous?
Je n'ai même pas répondu que X-Boy était déjà bien assis dans les bras de Raymond, déjà assis dans le sofa. Micheline rigolait et moi aussi.
- Il ADORE X-Boy! Si tu savais comment il m'en parle souvent!
Thalie étais assise dans "son fauteuil" (recouvert d'une alèse) et regardait la scène. Tout en jouant avec un petit contenant de plastique avec une main.
- Thalie, je te présente X-Boy! X-Boy, je te présente Thalie, renchérit un Raymond surcontent.
Thalie a regardé X-Boy une seconde, X-Boy ne l'a pas regardée. Elle a continué à brasser son petit contenant de plastique et X-Boy s'est mis à faire une tonne de câlins à Raymond.
- Tu vois Micheline comme il m'aime? C'est incroyable! Il est tout simplement adorable!!!
Micheline souriait, les larmes aux yeux. Il s'en est fallu de peu pour que je pleure aussi, mais j'ai blagué (une fille se connaît) envers Thalie qui venait de saisir un catalogue déposé sur le bras de son fauteuil.
- Tu lis un catalogue IKEA, Thalie!!! Parle-moi de ça une femme qui a du goût!
Elle s'est mise à en tourner les pages une par une. Tout en gardant son petit contenant de plastique dans sa main.
- Micheline, dites-moi... Thalie joue toujours avec un petit contenant de plastique?
- Oh oui! Depuis qu'elle est toute petite, elle adore les couvercles de bouteilles de Spray-Net! (C'était donc "ça"!)
- Tu devrais voir ça à Noël dans nos familles! Toute la parenté nous garde des couvercles de bouteilles de spray-net et on les offre en cadeau à la p'tite!
- Wow... X-Boy ADORE les plats de plastique... ils se ressemblent sur ce point... Vous avez déjà compris pourquoi Thalie aime autant les plats de plastique, au fait?
- Bien sûr que non, X-Mom. Il n'y a pas de raison à cette affection. Elle aime ça, c'est tout. On ne trouvera jamais de raison.
- Mais il doit bien y en avoir une?
- Hahaha, rirent-ils en chœur.
- Vous me trouvez drôle?
- Bien sûr, X-Mom, répondit Micheline. Tu es drôle, tu cherches des raisons... Tu es encore jeune... Nous, ça fait longtemps qu'on a arrêté de se questionner à propos de Thalie.
- ...
- Tu sais X-Mom, c'est normal de vouloir comprendre nos enfants... mais il faut les laisser vivre et leur bonheur peut tenir justement dans un petit plat de plastique...
- Mmm. Ça peut être si "simple"???
- Pourquoi faudrait-il que ce soit compliqué?
- Ben... je ne ne sais pas... si je "laisse faire" X-Boy, il ne pourra pas progresser...
- Tu sais X-Mom, je me suis entêtée pendant 10 ans avec Thalie à lui montrer à dire "Maman". Et elle ne l'a jamais fait. Et elle ne le fera jamais. Le jour où j'ai arrêté d'espérer qu'elle le dise, il ne s'est pas produit de miracle. Elle n'a pas dit un mot. Mais je crois qu'on a trouvé notre paix ensemble. Cela n'empêche pas que l'on continue à lui expliquer ce que l'on fait, à la guider dans ses mouvements... et un jour, elle finit par nous imiter...
C'est à ce moment que Raymond a repris la parole; X-Boy était rendu par terre et explorait à quatre pattes le meuble de la télévision. C'est fou ce qu'une boîte de DVD est un jouet fabuleux!
- C'est comme la semaine dernière, X-Mom! Tu ne devineras jamais ce que la p'tite a fait!!! On ne s'y attendait pas! Tu vois, depuis des années, chaque soir quand on l'emmène dans sa chambre en marchant, on lui met la main sur l'interrupteur de la lumière et on la lui fait éteindre. Ensuite on l'aide à se mettre au lit. Eh bien mercredi soir dernier, elle est partie seule de son fauteuil à l'heure du dodo et elle a fermé la lumière TOUTE seule! Quand on a vu la lumière éteinte, on s'est garoché, Micheline et moi, et on dansait en riant dans le corridor!!! Des vrais dingues!!!
- Hahaha! Vous faites encore des "danses de bonheur"!!!
- Bien sûr!!! On est encore tout aussi émerveillés de la voir faire des progrès. Si petits soient-ils... mais tu sais, le fait qu'elle comprenne qu'il y a une différence entre le jour et la nuit, c'est une belle découverte!
- Wow... vous êtes incroyables. Vous êtes aussi excités que X-Man et moi!!!
- C'est sûr! Et on n'est pas différents des parents "normaux", X-Mom... eux aussi ils sont fiers de leurs enfants...
- Parlons-en des "enfants normaux"... vous n'avez jamais voulu avoir un autre enfant?
- Non... à l'époque où on a eu Thalie, les mœurs étaient bien différentes... et on ne voulait absolument pas "la placer" comme nous l'ont suggéré tant de médecins... Nous voulions nous consacrer entièrement à la p'tite.
- Vous savez... les mœurs n'ont pas changé tant que ça... je me suis déjà fait demander pourquoi je ne "plaçais" pas X-Boy...
- Mmm. C'est bien dommage... les gens jugent si rapidement et ils ont peur de la différence...
- Ah ça oui... ça m'énerve tellement le regard des autres quand on sort... Et X-Boy fait des sons très forts sans que je ne puisse le contrôler...
- Il ne faut pas que tu t'empêches de sortir "en public", X-Mom. X-Boy a le droit de tout faire avec vous. Il faut que tu laisses faire les commentaires des autres.
- Ce n'est pas toujours évident... je réplique ou j'explique. Mais je rêve quand même de ne plus avoir à parler de la "condition" de X-Boy à toute la planète...
- Tu veux sortir en famille et ne pas sentir le regard pesant des inconnus? Eh bien va aux États-Unis.
- Aux États-Unis??? Chez les Américains???
- Oui. Ils ont plusieurs défauts, mais avec Thalie, on y est allé tous les étés pendant 40 ans et JAMAIS nous n'avons eu de commentaires déplaisants. En réalité, les gens là-bas ne la regardent même pas et s'ils le font, c'est pour lui sourire et nous dire "God Bless You" en continuant leur chemin. Aller à Disney avec elle a été les plus beaux souvenirs de notre vie. Les mascottes venaient toutes à elle, on nous laissait passer partout en premier.
- Eh là là... on est loin de ça ici...
- Tu sais ce qu'on faisait quand on allait à la plage? À l'époque, on avait une "Econoline" et on transportait sa chaise berçante en voyage. Arrivé sur le bord de la mer, je sortais une grosse planche de "plywood" et je la déposais sur le sable, j'installais sa chaise berçante dessus et Thalie se berçait en regardant la mer pendant des heures. Nous, on se faisait bronzer, on se baignait, on écoutait de la musique. Les gens s'arrêtaient tous pour nous demander comment elle faisait pour se bercer sur le sable... parce que je camouflais sa planche de "plywood"! Hahaha, on aimait ça faire des folies de même!
- Wow... c'est tellement beau de vous entendre me parler de votre vie avec votre fille... Et de vous voir aussi détendus... Vous ne vous sentez pas coupable de laisser Thalie jouer toute seule (elle jouait toujours avec son catalogue et son couvercle tandis que nous parlions)?
- Tu te sens coupable de laisser X-Boy jouer tout seul?
- Tellement... je me dis toujours qu'il faut que je le stimule, qu'il faut que je sois "là" pour lui...
- Mais tu ES LÀ, à ses côtés... X-Boy est capable d'exprimer ses émotions. Il pleure quand il a de la peine?
- Oui... il a commencé à pleurer quand on le met au lit...
- Alors tu vois, il te dit ce qu'il ressent. Quand il joue avec son petit livre ou ses plats, il découvre son monde à sa façon. Il vit dans "son" monde, ton fils. Et il vit dans le nôtre aussi. C'est bien de le stimuler et de lui montrer à être "comme nous", mais il a ses limites et c'est sa vie. Pas la tienne. Même si quand on parle de nos enfants, on répète souvent qu'ils "sont toute notre vie". Tu comprends ce que je veux dire?
- Oui.
- X-Boy progresse tous les jours et il va te surprendre toute ta vie. Tu vois, Thalie nous montre qu'elle nous aime et elle choisit comment nous le montrer. Regarde bien.
À ce moment, Raymond s'est levé et s'est approché de Thalie. Il lui a demandé:
- Thalie, Est-ce que tu veux donner un bisou à papa?
Elle a tendu sa main.
- Non, pas un bisou sur ta main... Papa veut un bisou de TOI sur SA joue...
Elle a détourné la tête en faisant la moue. Raymond a éclaté de rire. Elle lui a retendu la main. Il a déposé un gros bisous sonore sur cette dernière.
Micheline s'est levée et a demandé à Thalie si elle pouvait avoir un bisou. Thalie s'est placé la bouche en forme de cœur et a étiré son cou jusqu'à la joue de sa mère. Elle lui a fait un bisou très sonore et a émis un son de pur bonheur.


***


Puis elle a repris son couvercle de plastique, a tourné à nouveau les pages de son catalogue.


Et nous sommes rentrés à la maison.


Le cœur rempli d'émotions. Le cœur comme un catalogue IKEA qu'on feuillette jour après jour parce que l'on ne se lasse jamais d'y voir ce que l'on aime.







mardi 9 septembre 2014

Écrire ou ne pas écrire... là est la question...

Je ne blogue plus depuis plusieurs mois...


En fait, je ne sais même pas si j'ai encore des lectrices qui viennent faire un tour sur cette page? Loin des yeux, loin du cœur.


Et mon cœur n'est pas loin de l'écriture, mais j'ai moins le cœur à écrire depuis que X-Boy ne fait plus d'épilepsie. Non pas parce qu'il va toujours si bien que je n'ai plus rien à raconter, mais peut-être parce que sa "présence d'esprit" occupe mon esprit à du concret. À la recherche de solutions, à la mise en action de plusieurs projets qui étaient restés sur la sellette de mes neurones depuis trop longtemps.


De voir fiston rester "connecté" au réel, ça me donne envie de bouger et de finaliser, voire de continuer, des chantiers que j'ai abandonnés en cours de route. Vous ne me suivez pas hein? Vous savez le genre de chantiers d'une hyperactive toujours plus stimulée par la DERNIÈRE idée plussss géniale que l'autre d'avant? C'est du grand X-Mom.


Ainsi, ces derniers temps, j'ai fait la liste de tous les projets que je veux "enfin finir pour vrai". Des exemples: finir les xièmes couches de peinture jaune sur la table de chevet afin qu'elle ait enfin sa place dans mon nouveau décor de chambre! Oh oui, Décore-Mom s'en est donné à cœur joie dans sa chambre ce printemps, c'est du grand art et ça me ressemble vachement: c'est marine, jaune et blanc, c'est vivant, c'est un peu européen, c'est un peu bd et c'est un peu bord de mer! Bref, c'est du copier-coller de mes idées et de mes mains de manuelle-en-constante-évolution!


Autre exemple: finir d'écrire et mettre en dessins un album sur un mouton original. Une histoire que je traînasse dans mon tiroir à histoires depuis des lustres. Il y a des fils d'araignée dans les pages, presque. (Mais non, il n'y en a PAS, je mourrais de peur et je n'y toucherais plus jamais!!!)


Autre exemple: peinturer la chambre de X-Boy. Ça fait 6 ans qu'on vit dans notre maison, ça fait 6 ans que je me dis: bon, je fais la chambre de X-Boy. À la place, j'ai refait 2 fois ma chambre. Tsé quand je dis que la dernière idée est toujours plus excitante? (Y'a aussi que je raffole du changement dans "mon" décor... ça se soigne-tu???) J'ai acheté la peinture de la chambre de X-Boy il y a 5 ans. Je lui ai déniché des autocollants fabuleux l'an dernier. Fait acheter un meuble de rangement par un grand-papa. Alors pourquoi sa chambre est-elle encore blanche? Fouillez-moi. J'ai même le nouveau luminaire qui dort dans le sous-sol. Et chaque année, je me dis que X-Boy mérite TELLEMENT une belle chambre, un décor tout mignon à son image. Mais il y a aussi X-Man qui m'a souvent dit que sa chambre était déjà très belle avec les décos colorées un peu partout. Et on s'est souvent demandé s'il dormirait dans un nouveau décor... je crois qu'il y a un peu de crainte que X-Boy n'aime pas sa chambre et qu'il boude le sommeil sous cette tonne de non-décoration-depuis-des-années. Tsé quand une mère a vécu des tonnes de nuits blanches... Elle a peur de broyer du noir à cause du bleu.


C'est quétaine un champ lexical de couleurs!?! Je suis rouillée. (Ne pas confondre avec rousselée. Hahaha!)


Un dernier exemple? Faut bien gâter les lectrices qui auront passé par hasard sur cette page! Régler mon problème d'hypersomnies diurnes. Oh qu'est-ce que je raconte?!? Vous vous souvenez que j'ai eu un diagnostic de narcolepsie? Eh bien les derniers mois ont été remplis de péripéties et d'examens sérieux à ce sujet. Bref, la semaine prochaine, j'ai enfin un rendez-vous avec le neurologue pour avoir les résultats des examens cardiaques et de l'imagerie de ma jolie cervelle. Ben oui, ils ont fait des fouilles pour voir comment ça se débrouille dans ma carrosserie particulière.


M'occuper un peu de moi fait partie de mes "tâches à faire depuis des années".


Et c'est dit sans aucune forme d'égocentrisme.


C'est dit avec la plus grande volonté du monde et la plus belle naïveté aussi.


Et le plus grand éclat de rire qui ait résonné à Ste-Banlieue depuis hier. (Parce que tsé, une X-Mom, ça rit FORT TRÈS SOUVENT!!!)


Ciao groupies!



lundi 9 juin 2014

Le coeur dans les oreilles... ou des oreilles dans le coeur...

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Ou ils se ressemblent trop?


Je me sens mélangée. Prise entre deux chaises. L'une de peur et l'autre de hâte.


Ça bourdonne dans mon cœur comme ça bourdonne dans les oreilles de X-Boy.


***


Il y a de cela une semaine et des poussières, se tenait notre grandiose levée de fonds le vendredi soir. Ce vendredi matin-là, X-Boy s'était réveillé avec le nez qui coule et un petit air annonçant la venue d'un rhume-virus-machin-pas-plaisant. Tout au long de cette journée, je pensais fort fort à mon gamin en espérant qu'il serait juste assez en forme pour sa petite présence sur scène afin que les spectateurs voient de visu pour quelle cause ils assistaient à cette soirée d'improvisation... Tout au long de la journée, j'avais moi-même une chatouille dans la gorge et le fond de la tête... une chatouille qui m'annonçait que moi aussi, je serais une hôte de ce rhume-virus-machin-pas-plaisant.


Au final, X-Boy a mouché toute la journée à l'école (je ne suis pas une mère sans conscience, d'habitude je le garde au bercail pour éviter la contagion, mais là, il y avait THE événement et je devais être partout à la fois, à la course et au trot de F1) et au retour, il a fait une petite sieste en compagnie de sa gardienne, "sa" Marie.


Ainsi, le soir rendu, il est venu sur la scène, a fait sa petite apparition-mignonne-regardez-moi-joli-specimen-rare (il s'est même tenu debout pour la cause "la sienne"!) et zou, il est retourné à la maison avec sa gardienne-numéro-deux. (Marie étant restée à la soirée)


***


Le lendemain matin de ce splendide événement dont je vous raconterai les détails un jour où j'aurai le cœur bien assis sur la bonne chaise, je me suis réveillée (ou pas) avec un virus-au-corps-on-ne-peut-plus-vilain. Le stress et l'adrénaline de trois semaines de course en circuit fermé étant tombés, voilà que la "chose" m'a pris le corps en entier et m'a forcée à rester sous le plumard, malgré la chaleur et le soleil qui m'interpellait tant à l'extérieur. X-Boy aussi a dû rester dans son lit et le reste du temps, nous nous sommes accompagnés au duo de trompettes nasales et de températures corporelles incompréhensibles.


Dès lors, toute et je souligne le TOUTE la semaine dernière, nous avons mouché, toussé, fiévré et avons eu envie de disparaître dans une banquise de sable bien propre où toutes nos sécrétions se seraient asséchées et auraient disparues dans une vague bien fraîche... X-Boy refusait de manger quoi que ce soit (et je le comprenais), mais du moins, il prenait ses repas sous forme de liquide et il dormait la nuit. Aucun pleur à l'horizon, je crois que c'est moi qui ai versé quelques larmes à sa place, un soir où X-Man était à un souper d'affaires...


Vendredi dernier, mon cœur de mère s'est dit: "euh, non, ça ne va pas du tout. Ce virus est trop présent après une semaine". J'ai réussi à avoir un rendez-vous dans une clinique et voilà, le verdict est tombé: X-Boy fait deux GROSSES otites, résultat d'un rhume-virus-non-identifiable. Et moi, je faisais une sinusite qui s'est contrôlée grâce à cette fabuleuse invention qu'est le Sinus Rinse.


***


Sauf que mon cœur se trouve entre mes deux oreilles et celles de X-Boy... car ce vendredi-ci, nous partons en croisière en amoureux aux Îles-de-la-Madeleine (voyage que j'ai gagné l'an passé à la tivi!) et voilà que depuis hier soir, X-Boy ne veut PLUS boire RIEN et qui plus est, il vomit l'eau qu'il réussit à avaler et les antibiotiques, il va de soi.


Je sais qu'il nous fait toujours le coup chaque fois qu'il fait des otites (soit une fois par mois depuis octobre, dites je le jure) et qu'il peut passer trois jours sans RIEN avaler et chaque fois, je panique, je me dis que bon, il faut l'hospitaliser et tout le toutim... Je sais que la douleur est si intense dans ses oreilles qu'il ne peut absolument plus avaler sans vomir. Je sais TOUT ça.


Mais je ne m'y habitue pas. Et j'ai l'angoisse au ventre de partir vendredi et qu'il soit encore dans cet état.


En même temps, je suis à quelques centimètres de pouvoir m'asseoir sur la chaise de la hâte de partir "pour vrai et pour longtemps" avec X-Man... dans un voyage TOUT inclus qui se trouve ailleurs qu'à l'hôpital.


Et je me sens coincée. Je voudrais tant que X-Boy me rassure en ce moment, qu'il me dise que les antibios vont fonctionner (qu'il acceptera de les prendre demain, surtout!) et que comme d'habitude, il retrouvera l'appétit et son énergie dans quelques jours. J'aimerais tant qu'il me dise qu'il ne se sent pas trahi que nous partions sans lui si loin... si longtemps. Qu'il ne sera pas fâché à notre retour, qu'il n'aura pas besoin d'aller à la clinique avec "sa" Marie et que celle-ci aura l'esprit tranquille pendant toute la semaine "côté médical"... Déjà qu'elle en aura beaucoup à penser avec tous les repas cétogènes à préparer, les routines et tout... J'aimerais tant qu'il me dise que si ce soir il s'est endormi à 18h00 après avoir vomi son eau, c'est parce qu'il sait que dormir plus longtemps l'aidera à guérir plus rapidement... J'aimerais tant que demain matin, il prenne son antibiotique sans que je sois forcée de l'empêcher de vomir en lui tenant les mâchoires et en faisant 13525 simagrées comiques pour lui changer les idées...


J'aimerais tant que X-Boy entende mon cœur qui bat dans mes oreilles... mon cœur qui bat pour que dans les siennes, son cœur batte enfin tout doucement... tout normalement...


J'aimerais tant que X-Boy me rassure...


J'aimerais tant que X-Boy explique à Fée-Rouk que son logo n'a pas pu trouver le chemin final sur mes cahiers de croquis... faute de santé... J'aimerais tant qu'il lui dise que je pense à elle et à sa maman sur le chemin final de son cahier d'œuvres achevées...


J'aimerais tant que X-Boy parle...


Mais son cœur bourdonne dans ses oreilles...


Et ça fait bourdonner le mien.

samedi 24 mai 2014

Il y a de ces journées...

Être dans son spm, en temps normal, ce n'est pas plaisant. Demandez à X-Man, il vous dira le nombre d'aller simples pour Abu Dhabi qu'il a rêvé de m'offrir en secret.

Être dans son spm quand X-Man est en Abitibi depuis déjà 6 jours (et qu'il ne revient que dans deux jours), quand c'est la dernière semaine avant la levée de fonds et que les préparatifs stagnent et urgent à la fois, ce n'est vraiment pas plaisant.

Ainsi, la vie s'est chargée de me rappeler que j'étais dans mon spm. (je l'ai-tu dit?) Rhââââ.

1- Ce matin, X-Boy s'est réveillé à 6h00. Un samedi, bien sûr. La semaine, je dois chanter comme une Castafiore et jouer de la casserole pour que Môsieur se réveille. Mais ce matin, hop, voilà qu'il fait le "vrai enfant" et qu'il gazouille plus fort que les merles hystériques qui m'emmerdent dès 4h00 chaque matin.

2- Ma toilette "part toute seule". Et non, elle ne se rend pas très loin Rhôôô. Mais L'Ange-de-la-Rénovation et venu voir la grande malade et bon, il faut que je change une pièce. Cette toilette n'a même pas 6 mois d'usure. Cheap le contracteur qui l'a installée? Faites fois mille.

3- J'avais rendez-vous à 9h30 pour faire poser les pneus d'été. C'est tard, vous me direz? J'attendais que X-Man le fasse. Mais j'aurais attendu jusqu'en novembre. Dah. Je sors donc X-Boy dans sa rutilante poussette pour ensuite l'installer dans sa X-Boy-Mobile et zzzzzzzzzzzz. Le mécanisme électrique de la rampe dort au gaz. ??? Ça non plus ça n'a même pas six mois! Bref, j'ai dû descendre la rampe "à bras" et comme elle n'a pas de poignée ergonomique pour la manipuler en douceur, j'ai failli me recréer une hernie discale à mi-chemin vers la réussite. Je trouve X-Boy lourd, mais ce n'est rien!

4- J'ai installé X-Boy dans la van et je suis allée au cabanon en arrière de la cour pour y prendre les pneus. Sauf que X-Man étant d'une logique incroyable, il m'a fallu sortir le traîneau à neige du petit, deux trois planches de "plywood" et des tapis en foam (tiens, ils étaient là?) afin de sortir lesdits pneus. Me pensant pour King Kong, je me suis dit: "Enwoye, prends-en deux à la fois!". Je l'ai fait. Je le regrette encore. Mais le cabanon est tellement loin de la cour et j'étais en retard. (Vous ai-je dit qu'à la seconde où l'on partait, X-Boy a décidé de faire du brun odorant pour embaumer sa jolie couche?)

5- Arrivée au garage, le garagiste est on ne peut plus sympathique. Même pas un sourire, un bonjour, juste un "reculez votre van, je dois sortir cette auto pis je fais la vôtre dans deux minutes". "Reculer la van" n'est pas difficile, mais quand la cour est minuscule et que vous avez une tendance à devenir vraiment nunuche quand vous êtes en présence d'un garagiste, ça donne une X-Mom qui sue à plein moteur et qui s'aperçoit qu'elle n'a pas mis son antisudorifique ce matin. Trop occupée à fermer le couvercle de la toilette-partante qui était devenue un jeu de "ouvre-ferme-je-jette-un-jouet-dedans-et-c'est-rigolo-regarde" pour ma petite bête enfantine...

6- Le garagiste fait son boulot, je reste avec X-Boy dans la van et tout va bien. Je paye la facture et le garagiste me parle enfin. Il était gentil, mais j'avoue que quand tu as une blonde énervée qui débarque un samedi matin avec son fils handicapé "en plus", t'as peut-être pas envie d'entamer la conversation. Héhéh.

7- Je recule dans la minuscule cour et je suis fière de moi. Je recule droit, le chemin est tout près et PAF!!! J'ai reculé dans quelque chose!!! C'est la panique, je regarde dans mon miroir et j'aperçois un putain de poteau de téléphone qui n'était pas là, il me semble, quand je suis arrivée!!! Mais bon, au lieu de pleurer, j'ai souri, car sur ledit poteau-invisible, le garagiste a justement collé de gros bouts de banderoles rouges de même qu'un carton blanc. Ce qui veut dire que je ne suis pas la première (ni la dernière) a avoir réussi cet exploit. (La van est correcte, mon orgueil aussi.)

8- Comme il fait 25 degrés et que je m'ennuie vachement (X-Man étant en Abitibi, je vous l'ai dit?), je décide d'aller au centre d'achats avec X-Boy afin de lui dénicher une paire de sandales. (Celles de l'an passé se sont retrouvées à la poubelle: il avait fait une diarrhée dedans (oui oui!) et bon, ni X-Man ni moi n'avions eu le courage de les nettoyer...) Je cherche en vain des sandales à un prix raisonnable. J'en trouve une paire. Je lui en enfile une dans le pied droit, c'est parfait. Et elles sont à 50% alors je jubile. La vendeuse me suggère de lui essayer la sandale gauche, ce que je fais. Je mets X-Boy debout et voilà une découverte: il a le pied gauche plus long que le droit. Et ça fait que le gros orteil sort de la sandale. Et "désolée Madame, je n'ai pas la taille plus grande". Rogntudju comme dirait l'autre dans Gaston Lagaffe. Je ramasse mon môme et ses pieds asymétriques (une nouveauté... c'était nécessaire?) et je rentre bredouille à la maison.

6- Une fois à la maison, je fais une brassée de serviettes et autres linges de maison. Dans cette brassée, se trouvent les napperons tout jolis que m'a légué le père de X-Man lors de sa vente de garage. Ils étaient magnifiques, mais sa femme a les moyens de se payer des nouveaux décors quand l'envie lui prend, alors j'en profite! Sauf que lesdits napperons dont le revers est vert acidulé ont DÉTEINT sur TOUTES mes serviettes blanches!!! Mes serviettes neuves (pour une fois que j'en ai!) sont maintenant prises entre le jaune malade et le blanc nerveux!!! Comment cela se peut-il? Je lave tout à l'eau froide? Et elle ne les a jamais lavés, elle, ses napperons??? Comme ils n'avaient pas d'étiquette, j'étais supposée de savoir que c'est des napperons mangeurs de blanc??? Et en plus ils ont rapetissé au max!!! C'est quoi ça??? Des napperons qui exigent un nettoyage à sec??? Rogntudjuuuuuuuu!!!

7- Je fais une saprée allergie au soleil. Résultat: j'ai le décolleté (même pas plongeant) rempli de petits boutons. J'ai l'air d'avoir la lèpre. Et je serai en robe devant une salle de spectateurs vendredi prochain? Ça se met, un col roulé à la fin mai?

Bref, j'avais envie de me plaindre. Tout bonnement, comme une vraie gueularde dans son spm.

Et de ne pas vous mettre les faits saillants heureux. Parce qu'il y en a, oui oui!

Je voulais vous montrer que X-Mom, dans son spm, elle est insupportable.

***

Sur ce, je vais regarder la fin de Magnolia, un classique du cinéma que je n'avais jamais vu. Ce sera toujours mieux que de m'enfiler J'ai tué ma mère de Xavier Dolan. J'ai fait la gaffe de regarder ça cette semaine et seigneur que j'ai souffert. Le fils et la mère sont deux spm déchaînés. Je n'avais jamais vu un film où ça criait autant... déplaisant, déplaisant, déplaisant... malgré tout ce que les critiques huppés en ont pensé...

***

Le refrain est clair: être dans son spm quand je m'ennuie de X-Man, ce n'est pas plaisant.

vendredi 9 mai 2014

Docteure Tendresse...

Vous me croirez si je vous dis que je suis confortablement installée dans mon bureau au sous-sol et que je m'y sens bien et en paix? Ben croyez-moi. Parfois il faut des événements bousculateurs pour se rendre là où l'on voulait pourtant aller depuis longtemps. Mon événement-cascade? Un appel de Réal Bossé il y a deux samedis pour me dire: "Salut X-Mom! Dis, tu veux qu'on refasse une levée de fonds pour ton petit bonhomme? J'ai vu Charles Lafortune et il m'a dit qu'il voulait faire quelque chose pour vous encore une fois cette année!".


Quand tu raccroches d'un tel appel (alors que tu étais vêtue en guenilles parce que Décor-Mom faisait des siennes dans sa chambre: un nouveau décor exigeait-elle = un nouveau décor elle a et = ce que c'est beau, on se croirait en Grèce ou en Angleterre, ça vous donne une idée? Tant pis pour vous! gnark gnark), tu enfiles ton costume de planificatrice événementielle et tu descends dans ton bureau-foutoir, tu le nettoies, tu ranges en moins de deux et ensuite, tu te rends compte, deux semaines plus tard que "ah ben, ce que je suis bien dans cette pièce... le orange du mur est d'une beauté et que dire du calme et de ce sentiment d'avoir TOUT à la portée de la main"...


Et tu te dis: ça me tente d'écrire sur un sujet qui me fait marrer: les docteurs. (Pour celles qui se disent: ben là, on veut savoir pour Réal Bossé et toute la patente, moi je vous dis: vous n'avez qu'à venir à la soirée du 30 mai! haha)


***


Alors c'est qui Docteure Tendresse?


Eh bien, c'est la Docteure Tendresse-de-mes-fesses que j'ai visité ce mardi matin alors que les oiseaux gazouillaient et que le printemps se dégelait les brins d'herbe.


Je me rends donc dans cet hôpital plutôt éloigné de ma ville, car "Désolée Madame, mais il n'y a plus de gynécologues disponibles à Ste-Banlieue". (Et les femmes qui sont enceintes, elles accouchent où? À Iqualit? Dah) Quand j'ai pris mon rendez-vous dans cet hôpital, la secrétaire m'a annoncé le nom de la gynéco et je n'ai pu me retenir: Elle s'appelle "vraiment" Tendresse? Hahaha. Je crois que la réceptionniste n'en peut plus de cette blague. (Je vous mets un faux nom, mais dites-vous que c'est très près du réel patronyme...)


Je me suis donc pointée dans la salle d'attente avec l'espoir que la gynéco portait réellement bien son nom de famille et ce, de génération en génération, dites je le jure et amen. Et alléluïa.


Vous devinerez (c'est même pas subtil, mais c'est ainsi) que ce fut TOUT le contraire.


Une heure plus tard dans les maritimes de la Montérégie, on me fait entrer dans une toute petite salle décorée d'affiches de vagins belliqueux et de pubs de vaccins pour ne pas mourir du VPH (Décor-Mom aurait du boulot, je vous garantis) et on me donne la belle jaquette bleue.


- Barrez la porte derrière vous. Ensuite, enlevez tous vos vêtements et enfilez la jaquette. Quand vous êtes prête, ouvrez la porte du corridor des infirmières et des médecins. (un genre de porte coulissante).


- Merci.


Zou, l'infirmière est disparue. En fait, n'a-t-elle jamais été là.


Le temps passe, je commence à me trouver vachement sexy en jaquette king size et alors que je fais une tite toune avec mes talons sur le bord de la table d'examen, Docteur Tendresse ouvre la porte du corridor et pénètre (hahahahahaha!) dans la tite-salle-frette.


PAS un regard en ma direction. Je suis charmée, il va sans dire.


- Bon, vous avez une masse dans la petite lèvre? (c'est des détails, mais là, vous avez l'âge pour lire ce blogue... et si vous êtes un homme, ben vous faites votre éducation génitale...)


- Moui. Mais en ce moment, elle n'est pas là.


- Ça va mal.


- Moui... La petite bosse vient et repart... selon mon cycle menstruel... D'ailleurs, je vais être menstruée dans quelques heures.


- Vous savez ça à l'heure près?


- Moui... Pas vous?


- ...


- Bon, installez-vous, je vais regarder ça quand même.


Docteur Tendresse (Brute de son prénom) déplace sa lourde carcasse et s'installe à mon extrémité gênée.


- Vous pouvez me montrer où elle se situe d'habitude.


- Moui. Là...


- Ah ben oui. C'est un kyste sébacé.


Et là, elle se met à coincer le dit kyste entre ses doigts et je me retiens de hurler ma colère contre le gouvernement libéral! (hahaha!)


- Euh... aïe, je veux dire... ça fait mal... même vraiment mal!!!


- C'est sûr... c'est dur comme de la roche...


- C'est une roche? (N'importe quoi pour me faire sourire.. moi, du moins!)


- Bon.. il faut enlever ça.


- Ok. Je reviens quand?


- Je vous fait ça maintenant. C'est une petite chirurgie de rien.


Tandis que je tente de rester calme et heureuse (n'importe quoi), elle farfouille dans les portes d'armoires avec une bonne humeur indescriptible.


- Bon, je n'ai pas la lame # 76838 (aucune idée du #!)...


Elle se lève de son banc à roulettes et sort en trombe (et non en trompe... rhôôô) et s'avance DANS le corridor en laissant la porte GRANDE OUVERTE. Tout comme mon dedans qui, chanceux, peut faire un coucou à tout le personnel qui passe et repasse dans le corridor.


Je suis charmée, vous disais-je. Quelle générosité de vouloir partager mon entrejambe avec toute la planète? Je commence à colérer... je ne PEUX PAS me lever pour fermer la porte.


King Kong revient à son établi (rhôôô) et me bistourise l'intérieur. Juste avant, elle m'a gelée "local" et j'ai failli hurler. Une tite piqûre de rien? (C'est ça, oui...)


Puis, elle s'exaspère.


- Bon, comment ça se fait que je n'ai pas de fil # 4?!?


- Fil # 4??? Vous devez recoudre?


- Ben là... bien sûr... je viens de vous enlever votre kyste et de vous faire une incision qui ne guérira pas sans points...


(C'est là que je perds connaissance? Non... Plus tard peut-être... je ne suis pas une mauviette, mais quand je ne sais pas ce qu'on me fait, je deviens faiblarde... Une pure intello: expliquez moi le processus et je vais être forte et sereine.. mais jouez-moi dedans en silence et non, je ne réponds pas "heureuse" au département...)


Elle se lève de son banc à roulettes et sort ENCORE dans le corridor SANS fermer la porte.


C'est là que j'ai toussé. (à défaut de lui dire que si elle fait ENCORE ça, je lui arrache ses vêtements, je la fais se coucher à poil sans jaquette sexy sur sa table de torture et je lui fais ouvrir les jambes et je fais venir TOUT le personnel pour lui dire un bonjour bien sonore!!!!)


Elle s'est retournée et a entrefermé la porte en gueulant: JE PEUX AVOIR DU FIL # 4??? COMMENT ÇA SE FAIT QUE JE N'EN AI PAS DANS CETTE SALLE???


C'est à ce moment que je me suis prise d'affection pour l'affiche du cancer du côlon... tsé, une fille se fait des amis en temps de guerre.


Docteur Jekyll est revenue terminer sa broderie. Elle me dit tout froidement:


- Bon, c'est terminé. Je vous mets une petite compresse pour ne pas tacher vos vêtements. Je vous rappelle s'il y a quelque chose.


- Quelque chose?


- Au sujet de votre kyste. Vous voyez, je dois le faire analyser.


Et elle me pointe un tit-pot stérile rempli d'eau dans lequel flotte une masse de chair.


J'ai vraiment failli perdre connaissance. J'ai préféré accoucher d'un Opitz-C que de voir une masse de chair "inconnue" extraite de mon intérieur...


- Euh... ce n'est pas juste un kyste sébacé?


- C'est ce que je crois. Mais je dois le faire analyser. Vous pouvez vous rhabiller. Au fait, ça fait combien de temps que vous avez ce kyste?


- Une dizaine d'années...


Ça aura été la première fois qu'elle m'a regardée!!!


- Vous n'aviez pas envie de consulter avant?


- J'ai consulté avant, mais il n'était jamais au "rendez-vous" quand je consultais un médecin...


- Ah bon. Mieux vaut tard que jamais. Vous êtes endurante, en tout cas.


- Probablement... (et folle un peu...!)


- Bonne journée. Si ça revient, vous me rappelez.


- Ça peut revenir??? Vous venez de l'enlever.


- Ça peut... on ne sait jamais. Au revoir.


Elle a quitté SANS fermer la porte. J'AI couru fermer la porte et en revenant, j'ai VU le tit-drap de papier complètement souillé de sang (LE MIEN!), du sang par terre et j'ai regardé la jaquette bleue devenue mauve du derrière...


Ouf... je me suis ressaisie, j'ai mouillé des papiers-bruns-pas-doux-comme-des-chatons, je me suis lavée rapidement le popotin, j'ai installé une serviette sanitaire dans mes bobettes puis je suis partie en trombe. Et presque en trompe. Je vous la refais, c'est clair!


***


Une fois rendue à la maison, tout allait bien. Si bien que je me demandais pourquoi elle m'avait dit que l'Aqua-Zumba en après-midi était proscrit et que je devais faire des bains de siège pour soulager le petit inconfort.


C'est une heure plus tard que j'ai compris. OOOOOOOOOOOOOOHHHH la douleur!!! Oooooooooooooh la VILAINE douleur!!! C'était presque des contractions aux 10 secondes!!! Je ne pouvais plus marcher... J'ai sauté sur les Advil, m'en suis envoyée deux derrière la cravate et j'ai téléphoné à X-Man.


- X-Man.. tu finis tôt aujourd'hui, non?


- Oui pourquoi?


Je lui ai raconté "l'histoire" en versant quelques larmes et il est arrivé quelques minutes avant le retour de X-Boy à la maison. Malgré mon "endurance", je ne pouvais pas sortir dehors pour accueillir X-Boy et le sortir de son fauteuil...


Je suis restée clouée (voire stigmatisée, hahah) au lit jusqu'à la tombée de la nuit.


***


Et j'ai entendu un compliment qui m'a fait oublier la charcuterie de la journée.


X-Man, quand il m'a vue dans mon lit, entourée de revues de féfilles et d'oreillers nouvellement décorés a dit:


- Ce que tu es belle, dans ton nouveau lit, X-Mom... Tes cheveux blonds près de ton coussin jaune et le bleu tout autour... On dirait que tu es une princesse... J'irais bien te rejoindre... Mais bon...


- Mmm. On repassera pour le "rejoindre"... j'ai justement un "joint" à guérir...


- Allez, dors... je m'occupe de tout jusqu'à demain matin...


***


Wow. Ma vie est un conte de fées.


La preuve, j'ai rencontré la Fée Défait-les-Carabosses!


***

dimanche 20 avril 2014

Les Maritimes...

Je crois que depuis que j'ai déménagé mon faux-bureau au sous-sol dans un vrai bureau tout emménagé par moi et pour moi (c'est presque une prière exaucée!), mon fuseau horaire intérieur a changé. J'ai l'impression d'être une heure en retard dans ma tête... et peut-être même plusieurs jours/semaines/années.


N'avez-vous jamais eu ce sentiment de ne pas voir le temps passer parce qu'il passe trop vite? Parce que les journées sont tellement remplies qu'elles semblent s'effacer rendu au lendemain?


Je m'ennuie d'écrire au quotidien... je me sens loin de mes pensées, de mes réflexions, de mon calme qui, je ne le croyais pas si réel, s'accroche dans mes neurones grâce à ce blogue que je délaisse pour des raisons x.


Changer mon bureau d'endroit était un de mes rêves. Parce que coincée dans le fond de la cuisine, parmi la salle de jeu improvisée du petit et la routine bouffe-ménage-lavage, j'avais l'impression de ne jamais avoir d'endroit "à moi" et de ne jamais pouvoir me reposer le cerveau pour écrire en paix.


Or, je vois bien que depuis que j'ai "accès" à cet endroit paisible (tout fraîchement décoré, peint et qui rutile de classement logique), je n'y vais pas. Je traîne mon portable sur la table de la cuisine, je peste chaque jour parce que ça traîne et que le sapré fil pour le chargement risque de me faire trébucher à tout moment et X-Man me répète sans cesse: "Et ton bureau au sous-sol? Qu'est-ce que tu attends au juste pour t'y installer? Tu as "tout" ce que tu voulais? On a investi pour ça... tu pleurais ta vie depuis des années que tu méritais un bureau, tu as deux tables: une pour ton ordi et une pour dessiner/peinturer/bizouner... Je ne te comprends pas..."


Moi je comprends. J'ai besoin d'un certain chaos pour me sentir en vie. Parce que depuis la naissance de X-Boy, tout est sens dessus dessous. Les heures sont imprévisibles, rien ne se planifie, tout se déplace à la vitesse incertaine qui n'existe que chez nous, on dirait. Et dans mon nouveau bureau, il n'y a pas le chaos. Il y a l'ordre, la pureté, le classement, le silence et surtout, la solitude.


Je sais que la solitude m'est une grande alliée et pourtant, elle me fait peur.


Je me demande parfois si je n'ai pas peur d'être justement "bien". À ma place. Dans ma tête.


Je me demande comment ça sera une fois que je serai "installée" dans "mon espace".


Est-ce que je m'y retrouverai? Est-ce que je serai capable d'écrire comme "avant"?


***


En ce dimanche pascal (alors que la planète se bourre de chocolat), X-Man pose un panneau de treillis en bas de la galerie, X-Boy joue dans son rond de soleil à enlever ses bas et à les déposer sur le calorifère.


On part dans quelques minutes chez Mamie-Z, festoyer en famille dans sa splendide maison sur le bord du Richelieu.


Et moi, j'écris en plein milieu de la table de la cuisine.


Mais j'écris et je me sens bien.


***


Est-ce que vous me suivrez si j'écris "ailleurs"?


***





vendredi 28 février 2014

2014!

Premier billet de 2014 et on est à la fin février?


Je vous laisse en plan, cher public... si vous existez encore... parce que bon, loin du clavier, loin du cœur!


Toujours est-il que j'avais envie de me vider un peu le sac à neurones, question de faire de la place! C'est comme un ménage du printemps, sans les hirondelles, le Windex et l'odeur de la terre qui dégèle!


***


Vous l'avez lu dans le dernier billet (datant de l'an 1000) que j'ai été diagnostiquée narcoleptique. Ainsi, depuis la mi-novembre, je prends du Ritalin pour me garder réveillée toute la journée! Résultat: ça fonctionne à merveille!!! Les premiers jours, j'ai eu l'impression de renaître, sans exagérer. Adieu l'espèce de sensation de lourdeur dans mes joues qui tirait sans cesse mes paupières vers le bas! Adieu cet espèce de sentiment de ne pas être "vraiment" réveillée... cette impression que le soleil ne se levait toujours qu'à moitié dans mon univers restreint. Adieu l'espèce d'incompréhension quant aux autres qui font leur journée sans avoir besoin de faire une sieste! ENFIN, je COMPRENDS comment vous faites!!! Vous êtes tous simplement "réveillés" autant dans votre corps que votre tête!!! Wowowowowow!!! Et maintenant, grâce à deux pilules par jour, je suis "comme vous". En forme toute la journée et fatiguée "pour vrai" le soir.


NDLR: Pour ceux qui se disent: "Ben voyons, le Ritalin c'est pour calmer les hyperactifs?", ben vous avez raison. Mais le Ritalin est un stimulant et il stimule le calme chez les excités et l'énergie chez les narcoleptiques! Ainsi, je suis "in" avec mon Ritalin et je pourrais retourner sur les bancs d'école au primaire et faire partie des "drogués en bas âge". Oh yeah. (Aucun jugement sur les enfants qui prennent du Ritalin, vous me connaissez.)


Pour clore le sujet de la narcolepsie, j'ai passé une polysomnographie la semaine dernière dans un hôpital réputé. Ouuuh! J'ai dormi "sous commande" et le bonheur que j'avais à me coucher "obligée"?!? Inégalable. J'ai fait quatre siestes dans une journée, une grosse nuit de 8 heures bien branchée à 42632656 d'électrodes/machins inconfortables et j'aurai les résultats sous peu. X-Man était intrigué de savoir si je réussirais à dormir avec tous les "instruments de mesure"... Il oublie que je suis une pro du sommeil... et je l'ai prouvé. La technicienne du labo n'avait presque pas le temps de partir ses enregistrements que je dormais déjà! Plus vite que mon sommeil!!!  Lucky-X-Mom. (faudrait que je m'achète un Rantanplan...)


***


Je passe à X-Boy. Eh bien, X-Boy, il en vit des affaires depuis septembre! Il nous en a tellement fait voir de toutes les couleurs que les artistes viennent puiser leurs couleurs dans nos robinets... En très bref résumé (suis-je capable de ça?), X-Boy a continué à ne pas bien tolérer ses divers médicaments contre l'épilepsie. À la mi-novembre, la neuro lui a prescrit du Topamax (désaffectueusement appelé "Dope-au-Max" par X-Man) et l'état général de X-Boy a commencé à se dégrader. Les trois premiers jours, il a fait une surdose de ce médicament, la neuro a baissé la dose. Les semaines suivantes, il s'est mis en mode "off" dans tous les sens du terme. Il ne bougeait plus du tout. Plus de quatre pattes, plus de tentatives de se mettre à genoux. Plus de jasette incongrue. Que du "mou". X-Boy restait assis courbé vers l'avant à jouer lentement avec des bébelles à sa portée. Il refusait de manger par moments, refusait de boire du jus. Il ne buvait que du lait de soya. En décembre, il a choppé un rhume qui a viré en otites. Ça a été la galère. Il a commencé à refuser littéralement de prendre les deux anticonvulsivants en sirop. Il fallait se "battre" pour lui faire avaler ses trois doses par jour. Le seul médicament qu'il acceptait de prendre était le Topamax car ce dernier était en comprimé (écrasé dans la nourriture). À la fin de décembre, il ne bougeait vraiment plus. Tout ce qu'il faisait, c'était prendre ses mains l'une dans l'autre et pleurer. Et s'étendre sur le sol et attendre que la journée passe.


Au début janvier, j'en ai eu assez de le voir ainsi. Ses muscles s'étaient atrophiés, il refusait même de tenir son gobelet tout seul et de manger. J'ai demandé un "EEG" (électroencéphalogramme) d'urgence en neuro. C'était la première fois que je disais à cette équipe: "Je n'en peux plus. Faites quelque chose. Mon fils n'est plus lui-même. Je n'ai aucun plaisir à être avec lui. Je l'envoie à l'école pour rester en vie." Les cris du cœur d'une telle ampleur sont écoutés avec attention, à Ste-Justine. Le jour même, X-Boy passait son EEG.


Sa neuro était en vacances. Celle qui la remplaçait nous a annoncé le résultat, perplexe.


- X-Boy ne fait plus aucune absence épileptique.


- ??? QUOI ??? Et tous ses mâchonnements? Ses chutes au sol??? Son inertie??? Son manque de force, d'appétit, de joie de vivre???


- Ce sont des effets secondaires du Topamax.


- ??? On s'en doutait, mais vous confirmez la chose...


- En effet.


- Ok. X-Boy ne tolère pas le Topamax. Sa neuro a retiré les deux anticonvulsivants en sirop la semaine dernière car il refusait de les avaler... On fait quoi?


- Sa neuro a retiré DEUX médicaments SANS sevrage?


- Oui. Pourquoi vous faites cet air-là?


- C'est très peu commun. Et risqué je dirais.


- Pourtant, il n'a eu aucun effet secondaire suite à cet arrêt radical. Et vous l'avez dit vous-même, le Topamax "fonctionne" pour contrôler son épilepsie... Sauf que les effets secondaires sont inacceptables.


- Inacceptables est un grand mot. Ils sont très prononcés mais si on réduit la dose, il sera peut-être mieux.


- Non, je ne veux pas qu'il réduise la dose. Je veux qu'il cesse immédiatement de prendre ce foutu médicament. Je ne veux plus que mon fils continue de perdre ses acquis. Il est redevenu comme un bébé. C'est insupportable. Je veux que l'on lui fasse suivre la diète cétogène.


- La diète cétogène? C'est sa neuro qui vous l'a proposée?


- Elle en a parlé brièvement la dernière fois que nous nous sommes vus, car j'en avais fait la demande. Elle voulait voir comment X-Boy fonctionnerait avec le Topamax seulement. Eh bien, on voit bien que ça ne fonctionne pas. Je veux qu'il suive cette diète.


- Euh... vous savez que c'est très exigeant... que c'est le traitement de dernier recours...


- Je sais tout ça. Parce que je lis sur le sujet depuis deux mois. En fait, depuis que j'ai consulté un neurologue pour ma narcolepsie (fallait voir la face de la neuro!!! haha!) et qu'il m'a demandé pourquoi mon fils ne faisait pas la diète vu qu'il était réfractaire aux médicaments, je ne cesse de croire que la diète cétogène est LA solution. Vous me direz ce que vous voulez, je crois que les médicaments ne sont PLUS la solution.


- Je ne peux pas décider à la place de sa neurologue. Mais je peux vous faire rencontrer la nutritionniste qui va vous expliquer en détails ce traitement afin que vous réfléchissiez sérieusement.


- Je suis très sérieuse. Est-ce qu'elle peut nous rencontrer tout de suite?


- Je vais voir ce que je peux faire. Il est presque 16h00 et elle termine bientôt.


- Vous pouvez lui dire que ce sera bref. Je veux juste préciser certains détails avec elle. Notre décision est prise. (X-Man était avec nous, mais j'avoue que j'ai "leadé" la conversation... Mère-Lionne, que voulez-vous).


***


La nutritionniste est venue nous présenter la diète. Elle nous a expliqué qu'elle devait en parler avec la neuro de X-Boy et qu'elle nous rappellerait pour nous dire ce qui en est.


***


Ça fait maintenant quatre semaines que X-Boy suit la diète cétogène.


***


Dès la deuxième journée du traitement, il n'a plus fait aucune absence.


***


X-Boy ne fait plus d'épilepsie.


Ne prend plus de médicaments.


***


X-Boy a commencé sa vie à nouveau.


***


Vous comprenez pourquoi je ne peux écrire souvent.


***


Un bébé naissant, c'est du boulot.


***


Et c'est le plus beau boulot du monde.