mardi 17 avril 2012

Schtroumpf-Boy: Partie 2

- Des convulsions, Docteur? Mais il convulse sans raison? Pas de fièvre? Et il trouve ça "drôle"?

- X-Boy ne trouve pas ça drôle, X-Mom... je ne sais pas pourquoi il en revient aussi heureux.. mais il faut trouver pourquoi il en fait, des convulsions? S'il devient bleu, X-Mom, c'est qu'il ne respire plus...

J'ai cessé de respirer. Ma mère aussi. Les ambulanciers sont arrivés dans la salle d'observation. Deux gros monsieurs moustachus (même pas en novembre!) au sourire compatissant devant des visages maternels dévastés par les larmes et l'angoisse.

- X-Mom... avez-vous son siège d'auto? Il y serait plus stable. Vous pouvez aller le chercher, svp?

- Hein? Le siège d'auto? (L'affaire qui pèse 1351 tonnes???) Oui, bien sûr.

J'ai couru à ma voiture. Par chance, je suis stationnée là où ça prend la fameuse tite vignette blanche et bleue. On l'apprécie vraiment, ce petit bout de plastique accroché au miroir, je vous jure. J'ai tiré comme une dingue sur les sangles pour les lousser. Niet. Incapable. X-Man, alias King-Kong, attache le siège si serré que... ben ça me prenait un autre King-Kong pour arracher l'affaire, quoi. J'ai couru dans la salle d'attente, ai interpellé gentiment mais sûrement le vieux monsieur rempli de bons conseils et il est accouru à mon secours. Quelques minutes (et sacres discrets plus tard), il est rentré dans la clinique, brandissant le siège-de-béton-coulé haut dans les airs. Il l'a laissé aux ambulanciers et a quitté la salle où se trouvait X-Boy sans mot dire. Avec un sourire-réconfort dont je me souviendrai toute ma vie. Dans les situations d'urgence, on s'attache à ce genre de petits détails qui laissent présumer que "ça ira bien, voyons".

J'ai tenu X-Boy le temps que les ambulanciers attachent le siège à la civière. Il a encore une fois fait une longue convulsion. Je pleurais un peu moins, voyant qu'il serait pris en charge très rapidement. Les ambulanciers ont demandé qui montait dans leur bolide avec le petit.

- X-Mom... je ne peux pas conduire ta voiture, elle est manuelle...

- C'est correct, Maman. Tu embarques avec X-Boy, j'amène la voiture à l'hôpital. C'est mieux ainsi... tu est trop nerveuse, tu ferais un accident. (JE disais "ça" au même moment où j'avais les nerfs dans les genoux... faut le faire!!!)

- Tu vas être correcte, X-Mom, au volant?

- Oui. Rassure-toi. Et ne pleure pas. X-Boy va être correct.

C'est là que je me suis dit que c'était fort, l'instinct maternel. Quand une mère voit la détresse chez sa propre mère, elle la console, l'épaule et l'aide à garder le moral. J'avoue que je ne me connaissais pas cette force. Et cet aplomb pour conduire comme une pro malgré les larmes, l'envie de hurler et de vomir qui me tenaillait jusqu'à mon arrivée à l'urgence.

Je suis arrivée 5 minutes avant l'ambulance. Je me suis dit, à la blague (blagueuse un jour) que je devrais devenir ambulancière, oui. Dah.

J'ai failli perdre connaissance pendant ces minutes d'attente. Un cerveau hyperproductif-de-scénarios-catastrophes ne peut faire autrement que d'imaginer:
a) l'ambulance a eu un accident
b) ma mère a fait un infarctus et ils sont immobilisés sur le bord de la route pour la réanimer
c) X-Boy a fait une convulsion si violente qu'ils doivent attendre avant de l'embarquer
d) la météorite prévue pour l'an 3001 a devancé sa trajectoire et vient de tomber sur la clinique de Ste-Banlieue
e) les étudiants manifestent devant une ambulance... question de faire les manchettes d'urgence
f) le siège d'auto s'est détaché et X-Boy s'est installé sur les genoux du chauffeur et ils rigolent comme larrons en foire
g) ils sont en route, tout va bien. Je ne mange plus jamais de céréales bio (ça me rend trop fertile de la neurone) le matin, promisjurécraché.

X-Boy est arrivé sur sa civière, les ambulanciers l'ont installé dans la salle de réanimation.

- Réanimation??? Euh...

Une infirmière m'a calmée. C'est le nom de la salle où l'on amène les patients avec un problème respiratoire. Respirons en coeur, avant que le coeur ne nous lâche...

L'urgentologue m'a posé 1001 questions pertinentes. Ma mère s'occupait de X-Boy qui continuait à faire ses joyeuses convulsions de plus en plus fréquemment. L'urgentologue a ordonné qu'on lui installe une aiguille intraveineuse et qu'on lui administre de l'Ativan. Afin d'enrayer les épisodes de convulsions trop fréquents. Aux deux minutes, c'est beaucoup...

Elle a ensuite téléphoné à Ste-Justine.

- Ste-Justine, Docteure?

- Oh oui... je ne sais pas quelle est la cause des convulsions de votre fils. Et comme il a un syndrome "connu" à Ste-Justine, je l'envoie immédiatement là-bas.

- J'appelle le papa. Il va nous y emmener.

- Mais non, X-Mom. Il part en ambulance sur-le-champ.

- Hein? En ambulance?

- C'est urgent, X-Mom. Votre fils respire difficilement.

Et là, la culpabilité mortelle s'est exprimée par mes jolies lèvres.

- Maudite mère indigne que je suis... Bordel de bordel, ça fait une semaine qu'il fait des épisodes de lèvres bleues, et moi, belle épaisse, je pensais que c'était "drôle" parce qu'il riait? Je croyais qu'il s'autostimulait de cette façon étrange? Bravo la grande... une grosse médaille de non-vigilance. Et en plus, je l'ai emmené dans un traitement hyperbare et c'est de ma faute s'il réagit ainsi au traitement!!! Si je ne l'avais pas emmené une semaine de temps, il serait peut-être correct? Bravo bravo bravo... tu mets la vie de ton fils en danger pour des "supposés résultats miraculeux" d'un traitement encore expérimental et qui coûte la peau des fesses!!! Et si je n'avais pas téléphoné à Info-Santé, je l'aurais laissé mourir chez nous tant qu'à y être? Parce que c'est clair que vous pouvez me retirer mon permis de "mère", j'ai échoué tous les examens en moins de deux heures...

Je sanglotais tellement que j'ai failli m'évanouir. Du grand drame de X-Mom. Ma mère m'a pris dans ses bras quand j'ai eu terminé de faire mon plaidoyer ultra-destructeur et m'a demandé d'écouter attentivement l'urgentologue. Ce que j'ai fait.

- X-Mom... c'est normal de pleurer, de paniquer, de vouloir trouver la cause. Si vous ne réagissiez pas ainsi, je serais inquiète. Vous essayez de prendre le blâme, ça serait moins difficile à supporter. Par contre, X-Boy fait des convulsions et ce n'est pas de votre faute. Vous n'auriez jamais pu provoquer ça. (Ne doutez pas de mes capacités Docteure, je suis forte! dah) Et pour hyperbare, vous n'avez pas inscrit X-Boy dans le but de lui nuire. Au contraire, vous avez choisi de l'aider. On ferait tout pour aider notre enfant. Et votre conjoint était d'accord, pour hyperbare?

- Oui. Bouhouhou.

- Alors vous êtes de très bons parents. Vous voulez le meilleur pour votre fils. On ne vous retirera pas votre permis de "mère", comme vous dites. Vous allez le conserver et y ajouter une mention d'honneur. Celui d'être là pour lui, en toutes circonstances. Vous allez d'ailleurs monter dans l'ambulance dans quelques minutes et vous assurer que le papa sera à Ste-Justine dans la prochaine heure. Vous pouvez faire ça, X-Mom?

- Voui. Maman, surveille X-Boy. Je téléphone à X-Man. Je reviens dans deux minutes.

***

Pour ceux qui se demandent comment se faisait-il que X-Man n'était pas avec moi, plutôt que ma mère? Pour la principale raison que X-Man, dans les situations d'urgence, n'est pas très "patient". Il panique et il me fait paniquer. N'allez pas croire qu'il aurait été  incapable de vivre ce genre de situation, mais mon pressentiment me dictait de préférer ma mère pour le "début" de cette mésaventure. Et de laisser ensemble les hommes à la maison afin qu'ils "s'affairent" à leurs multiples petits travaux. Allez savoir, les mères, entre elles, se supportent et se complètent. Et se comprennent. Sans enlever aucune qualité à mon amoureux, vous aurez saisi la nuance. (Si vous ne la saisissez pas, c'est que vous êtes "un" lecteur... hahaha)

***

J'ai donc téléphoné à X-Man. Ce fut une annonce très difficile à faire. Surtout que X-Man n'écoutait pas vraiment et que j'ai dû répéter tous les détails au moins trois fois. J'ai résumé en points clairs:
- X-Man, tu prends 3-4 pyjamas pour X-Boy, plus des couches, des lingettes et un gobelet vide. Et son toutou et sa doudou, surtout ne pas oublier ceux-là.
- X-Man, on est à Ste-Banlieue. Tu peux venir nous rejoindre ici. On quitte pour Ste-Justine très très bientôt.
- X-Man, apporte-moi des Advil et une bouteille d'eau. Si j'ai diné? Non. Si j'ai faim? Non. Mais apporte-moi des craquelins.
- X-Man? Je t'aime. Arrive vite. Et conduis prudemment, ok?
Clic.

***

X-Man est arrivé à l'urgence de l'hôpital de Ste-Banlieue. Quand je l'ai vu, je lui ai souri. Ouf, il était là, sain et sauf. On s'est enlacé quelques secondes en pleurant discrètement. Puis il s'est avancé vers X-Boy.

- Oh.. il est déjà tout branché? Il a un moniteur cardiaque? Il est somnolent? Il est drogué?

- Oui X-Man... il est sous Ativan. Ça le calme... comme tu peux voir.

- Ça le calme solide... il a l'air d'un zombie.

- Tut tut, X-Man. Pas un zombie, un Schtroumpf. À lunettes. Hihihih!

Les infirmières ont ri. X-Man a ri aussi. Décidément, mon permis de "mère-comique" ne me serait pas enlevé même à l'urgence. Rhôôôô.

Ma mère attendait silencieusement tout près de X-Boy, en lui caressant la main.

Puis, elle a demandé ceci:

- X-Man? Papi-J est venu avec toi? Il est resté dans le stationnement?

- Euh... non. Il ne se sentait pas bien... il est resté à la maison pour continuer les rénovations.

Ma mère m'a regardé, le regard complice. Mon père ne supporte pas l'impuissance face à la maladie. Il préfère réparer des murs que d'être confronté à un mur construit sans logique humaine...

- Mamie-D, je vais aller te reconduire à la maison... X-Mom, je ramène ta mère et je pars pour Ste-Justine. On se retrouve là-bas.

J'ai serré ma mère si fort dans mes bras qu'on a failli devenir bleues à notre tour. Pour être dans le ton, quoi. Je lui ai demandé si tout allait être correct. Elle m'a répondu que oui, avec toute la confiance qu'elle pouvait trouver en elle. Elle a pris le bras de X-Man puis ils sont sortis de la salle de réanimation. On a installé X-Boy sur la civière, toute l'équipe médicale est embarquée dans l'ambulance. On m'a fait asseoir avec le conducteur. J'étais intriguée.

- Ça arrive souvent que le parent monte à l'avant?

- Oh non, X-Mom. C'est exceptionnel.

- Comme mon fils, ça Monsieur l'ambulancier. Comme mon fils.

Les gyrophares se sont activés puis l'ambulance s'est mise à rouler. À tasser le trafic. À défier les lumières rouges, à contourner les voitures. Bref, à rouler le plus vite possible. Dans le camion, se trouvaient X-Boy, l'urgentologue, l'inhalothérapeute, l'infirmière clinicienne et l'ambulancière. On veillait fort au grain. Tout au long du voyage, je n'ai entendu ni pleur ni plainte. X-Boy avait choisi cette balade comme moment idéal pour dormir un peu.

Bon choix bonhomme, parce que pour les jours suivants, tu ne dormiras pas beaucoup...

***

2 commentaires:

  1. Ouf... C'est dramatique mais en même temps, c'est si bien écrit que c'est passionnant. On a l'impression d'être là avec vous et avec le petit.

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  2. J'espère que tout à repris ça place et qu'il respire enfin librement!!!

    J'ai bien hâte de lire la suite de cette aventure!
    Bon courage!

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